mardi 11 août 2020


Quand s'éteint le sourire


(Fontarrabie, Espagne, vue d’Hendaye, 21h 05)

L’orage tourne et passe.
Tout est calme sur la Bidassoa.
Les navettes entre Hendaye et Fontarrabie ont repris leur ronde.
Tout est normal, si ce n’est que les passagers sont masqués.
Il y avait autrefois à la place du port de Sokoburu, une plage,
au bout de cette plage un blockhaus, à moitié recouvert à marée haute,
là où passe maintenant la navette.
C’est ici, entre la France et l’Espagne que j’ai appris à nager.
À marée basse on pouvait rejoindre l’Espagne à pied.
Pendant la guerre civile beaucoup fuyaient par là.
C’est ce que me raconte ma mère.
Elle a quatre vingt quinze ans, la dernière de sa génération dans la famille.
Elle n’a plus ses frères et sœurs pour partager ses souvenirs.
Elle nous raconte.
Reviennent souvent ces deux événements qui l’ont profondément choquée:
La terrible bataille d’Irun et la fuite des civils par la Bidassoa en 1936,
et, à la libération en 1945 à Toulouse, les foules revanchardes s’acharnant à coup de tondeuse sur des femmes accusées d’avoir couché avec l’ennemi.
De tout ce que raconte maman, ce sont sans doute les seuls récits où son sourire s’éteint.
Il revient vite heureusement.
Si l’on devait dessiner un blason à notre famille, ce serait un sourire.
Et voilà que le mien faiblit derrière le masque, face aux hordes de flics qui contrôlent à tout va.

1 commentaire:

  1. Soon there will be no one left to remember these things or the other horrors of that time. It seems that we have our own horrors now... It's sad.

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