jeudi 25 août 2022


La bête

(Hendaye, 22 août, 8h 15)

C’était un été sans pluie.

Il avait fallu monter plus haut sur les alpages, juste avant les cailloux.

Trouver de la fraicheur et de l’herbe encore verte pour les bêtes.

Un jour, mon chien a disparu.

Je l’ai appelé pendant deux jours.

Aucune autre réponse que l’écho de mon inquiétude.

Et puis il est revenu, comme ça, sans prévenir, ventre à terre, trainant derrière lui un lourd nuage noir.

Je l’ai vu courir comme un fou sur les crêtes.

Et la pluie est tombée.

Des trombes d’eau cascadant sur les pierres.

La foudre claquait sur les rochers.

Les brebis ne bougeaient plus, collées les unes contre les autres dans une cuvette de verdure.

Je me suis réfugié dans une grotte. L’eau suintait sur les parois. 

J’étais à l’abri, derrière le rideau de pluie qui troublait  le paysage.

Soudain j’ai senti une présence. Derrière moi, dans l’obscurité, tout au fond du trou, deux yeux brillants me fixaient. 

Et ça grognait. Ce devait être gros. Je ne savais pas ce que c’était. Jamais je n’avais entendu ce son.

Alors j’ai pensé à mon fils, un petit sauvage qui n’en faisait qu’à sa tête. Un petit sauvage qui, sous ses airs de dur à cuir, demandait des chansons pour s’endormir.

Et j’ai chanté, tout doucement, une chanson douce, une chanson douce que me chantait ma maman…

Et la bête s’est tu, et la bête a fermé les yeux.

Je ne bougeais pas. J’ai fini par m’endormir, bercé par ma chanson après avoir tant crié le nom du chien.

Au matin la pluie avait cessé. 

La bête était partie.

Il ne restait au fond du trou que quelques herbes sèches gorgées de sang, et le collier de mon chien. 

1 commentaire:

  1. Beasts in written form are the most scary--- we see them only in our own fears.

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