Tant de bleu
(Plage de Trénez, Finistère, 18 septembre)
J’allais sur le sentier côtier entre Trénez et Brigneau, le ciel et la mer avaient des allures de Méditerranée, tant de bleu, plus dense que le noir des pierres, plus vif que le vert des arbres et des prés, lorsque je croisai un homme grand, légèrement voûté, les yeux rougis par le vent, sans doute très âgé, portant une grande toile rectangulaire tendue sur un châssis de bois, un tabouret pliant, et un sac en bandoulière. Il allait lentement, regardant la mer scintillante dans le soleil de midi, l’air penaud. Je le saluai en jetant un œil sur son tableau sur lequel il n’y avait que quelques touches de verts et de rouges posées à la va-vite. Il surprit mon regard et me dit : je n’ai plus de bleu et… Il n’avait nul besoin de finir sa phrase. Je lui répondis que j’avais aperçu sur le chemin quelques fougères d’un jaune éclatant, les premiers jaunes de l’automne, et une guirlande de baies rouges pendue dans un fouillis de verts, qui un instant m’avaient fait oublier la mer et le ciel.
« Je ne peux oublier la mer », me dit-il avec la voix de quelqu’un qui a du un jour avoir méchamment à faire avec elle.
Je repris ma route tandis qu’il repartait à petits pas vers Trénez.
Après avoir passé Brigneau, je fis demi-tour afin de regagner Trénez avant la nuit.
En arrivant à la plage de Trénez, je revis mon homme, assis sur son tabouret, le sourire au lèvres, sa toile sur les les genoux, sa boite de couleurs à ses pieds, devant un ciel qui rougissait petit à petit. Il me reconnut; « Regarde, la mer va bientôt elle aussi changer de couleur, du rouge et du jaune j’en ai plus qu’il n’en faut! »
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