Vue sur la Défense depuis la Passerelle de l'Avre
Vue sur la Défense depuis la passerelle de l’Avre ( 2 juillet ).
Au début des années 80, j’ai habité quelques temps au pied de la passerelle de l’Avre, à Saint-Cloud, en bord de Seine, dans sans doute l’un des seuls quartiers populaires de la ville.
L’atmosphère y était chaleureuse. Il y avait l’usine Dassault et les studios de cinéma de Saint-Cloud, les deux cafés du coin étaient bondés le matin et le midi. Je me souviens avoir croisé un jour Jean-Pierre Mocky; j’étais un tout jeune comédien, je buvais un café à deux tables de la sienne. Je suis resté sans bouger jusqu’à ce qu’il parte, me demandant comment lui dire que j’aimais ses films, ses personnages, que je me verrais bien dedans.
Du coté de Saint-Cloud, après avoir traversé la Seine, la passerelle passe au dessus de ce quartier, puis au dessus d’une voie ferrée, jusqu’aux coteaux. À partir de là les rues sont bordées de belles maisons bourgeoises en meulière. Nous passions par là pour nous rendre à la gare, c’était un enchantement quand au printemps fleurissaient les cerisiers du japon plantés tout le long du chemin.
Aux abords de la voie ferrée, là où il y a maintenant des jardins ouvriers parfaitement entretenus, les pentes étaient en friches exhalant ce singulier parfum des terrains vagues, Sureau, Herbe aux Gueux, Chélidoine… le parfum des jeux interdits.
À gauche de la passerelle en regardant la Seine, il y avait une cabane de planches, bâches, tôles et cartons. Un étroit passage entre les hautes herbes y menait. Un vieux couple y vivait, hiver comme été, deux vieux sortis d’un film de Mocky, deux vieux qui gueulaient souvent et riaient beaucoup. Ils semblaient avoir toujours été là. Assis sur leurs chaises branlantes, ils ont vu pousser les tours de la Défense.
Aujourd’hui, sur la passerelle de l’Avre, je pense à eux, à leur chez eux, je me demande s’ils appréciaient ce paysage comme je l’apprécie. Je pense à toutes ces autres cabanes maintenant coincées sous le béton des périphériques et des échangeurs, à ceux qui choisissent et ceux qui n’ont pas le choix.
Je regarde la ville. Elle est belle. De loin.