Petite araignée
Une histoire de Rick Delaveine, surfeur et batteur de jazz de renommée internationale
(Vaucresson, 7 octobre, 17h 50)
il chante à tue tête, la radio à fond, After Midnight, JJ Cale, un morceau pour tracer sur une route toute droite, une route qui n’en finit pas, une route avec des rapaces posés sur des piquets de clôture qui attendent que tu écrases un renard ou un hérisson pour le bouffer sans effort, une route avec des poteaux télégraphiques qui te regarde passer, une route qui t’amène d’une fille à une autre, Rick a deux amours, Rick a la trique, à mi chemin, il ne sait plus s’il faut accélérer ou ralentir, il chante, il accélère, il ralentit, il accélère à nouveau, il gueule Leïla, il gueule Sophie, il chante, il gueule je vous aime, Rick est le roi du bitume, le prince des hauts plateaux, le seigneur des grandes plaines, le jour se lève, c’est lui qui commande le soleil, deux soleils aujourd’hui, aux deux bouts de l’asphalte, il dodeline de la tête, comme le petit chien collé sur le tableau de bord, et puis les épaules, les doigts tapotent le volant, putain que la vie est belle! Soudain ça tape, un coup dans le pare-brise, une pierre, une balle, un oiseau, il sait pas, il voit plus rien, le pare-brise étoilé avec le soleil pile en face, il perd le contrôle, sa Chevrolet Camaro rouille part en vrille dans un champ de blé mur, trois tonneaux, le blé jaune en charpie, ça fume, Rick a perdu connaissance, ça commence à sentir le roussi, il entend Leïla, il entend Sophie, t’es trop con, pas maintenant, quelque chose lui chatouille le cou, trottine sur sa joue, se plante sur le bout de son nez, il se réveille, la tête à l’envers, une araignée sur le bout du nez, merde ça crame, il se dégage, se déplie, y a urgence, il force la portière cabossée, avec les pieds, avec les poings, il sort, l’araignée est toujours là, sur son front maintenant, un troisième œil, il était temps, le moteur s’enflamme, il s’éloigne
Il regarde brûler sa Chevrolet Camaro toute neuve. iI prend délicatement la petite araignée qui est maintenant dans ses cheveux et il la dépose sur le blé écrasé suffisamment loin du feu.
Ça va, il n’a rien, il n’a plus qu’à attendre que passe quelqu’un qui le conduise là bas à l’est chez Leïla, sa petite Araignée... Merde, c’est son surnom!

Sencillamente, un relato impresionantemente bien contado.
RépondreSupprimerAbrazo