"Dommage"
Il y a là, en pleine ville, une petite plage de sable fin. Petru est accroupi au bord de l’eau. Il plonge sa main dans l’eau fraiche, la passe sur son visage ridé comme la terre trop sèche, puis dans ses cheveux qui n’ont pas été coiffés depuis longtemps, puis il replonge sa main qui va et vient dans le courant. Il regarde les nuages. Un train passe. Petru aime bien le bruit des trains. Il fait un signe aux voyageurs qui ne peuvent le voir.
Maintenant il prend un vieux journal dans son gros cabas mal ficelé. Il le parcourt du regard, mais ne comprend pas la langue. Il en prend une page dont il fait un bateau de papier et range le reste bien plié dans son bagage. Il pose délicatement sur l’eau le petit bateau qui s’en va poussé par la risée. Mais le papier imbibé d’eau ne résiste pas et très vite le bateau sombre. Pétru dit « Dommage… » avec un petit sourire en coin. Un mot qu’il a appris lors de son passage en France, un mot qu’il répète souvent, mais sans tristesse ni rancœur, il en aime bien la musique, « dommage ». Plage, nuage, nage, ça va bien avec. C’est comme ça qu’il apprend Pétru, en collectionnant des rimes.
Alors il ressort son journal et d’une deuxième feuille confectionne un autre bateau qui résiste un peu plus longtemps et Pétru répète « dommage » au moment du naufrage.
Pétru est là depuis deux jours, l’été est doux, il se repose. Il y a parfois des petits coins au coeur des villes qui sont des palaces pour les vagabonds…
(Stockholm, 17 juillet)
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