Grand Bleu
Joachim ne voyait que trop peu la lumière du jour. Il quittait son petit appartement de Poissy le Haut le matin à 6h pour se rendre sur son lieu de travail, avenue d’Italie, où dans un sous sol mal ventilé il passait ses journées à réparer du matériel électronique. Il quittait son poste à 18h, et d’avril à octobre, il marchait le plus lentement possible jusqu’à la bouche du métro pour goûter au jour. Il était si pâle! Presque transparent. D’ailleurs il passait totalement inaperçu. De taille moyenne, plutôt maigre, sa seule singularité était des bras un peu plus longs que la normale, qu’en marchant il gardait toujours tendus le long du corps, les doigts repliés, hormis les deux index qui pointaient vers le sol.
Cette journée de septembre avait été particulièrement chaude. Au retour Joachim s’était arrêté pour boire une bière avant de s’engouffrer dans la moiteur des souterrains; lui qui jamais ne s’arrêtait, insensible à toutes ces incessantes sollicitations de la rue.
Dans les couloirs du métro, la tête lui tournait un peu. Mais c’est surtout ce qu’il entendait qui le surprenait, tout semblait confus, légèrement assourdi. Il lui semblait entendre les voyageurs parler une autre langue.
Plus il avançait, moins il y avait de monde, et quand il arriva au pied de cet escalator, il était seul.
Il fut saisi par cette affiche. Aucune inscription, que du bleu. Alors il s’est arrêté, une seconde fois.
Il s’est approché du panneau, l’a longuement regardé, puis de son index a commencé à tracer des signes sur le papier. Et sa main s’enfonça dans le bleu, puis son poignet, le bras et tout le corps suivit, jusqu’à ce que Joachim disparaisse.
Et personne ne s’en est rendu compte…
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