mercredi 14 septembre 2022


Merci pour la danse

(Vaucresson, 19h 30)

J’ai cherché la mer par la fenêtre de toit.

Pour vérifier. 

Il m’arrive de me réveiller me croyant ailleurs.

Il y avait des arbres, il y avait des immeubles et des maisons, mais pas la mer.

Il y avait aussi un gars, accroché à l’antenne hertzienne.


Je suis venu réparer la porte m’a-t-il dit.

Mais là, vous êtes sur le toit…

Je sais, mais j’avais mal à la tête, quand c’est comme ça il faut que je prenne de l’altitude.

Et la porte?

C’est fait.

Ah bon, je ne vous ai pas vu.

Je suis rapide et discret.

Faites attention à l’antenne quand-même

Ne vous inquiétez pas, j’ai l’habitude.

La nuit dernière le vent a soufflé si fort, vous auriez été sur le toit que vous auriez été emporté.

Comment ça, ici le vent a soufflé?

Oui.

Pas chez moi.

Vous habitez où?

Pas loin, à Bougival.

C’est curieux. Ça tapait dans les volets, ça tapait fort.

Mais il n’y a pas de volets ici!

C’est vrai , vous avez raison… Et la porte, elle marche maintenant?

Oui, j’ai changé les gonds et recalé la vitre.

Parfait, merci…. Et votre tête, ça va mieux?

Ça cogne encore, c’est les volets qui tapent….Excusez moi, je suis taquin…

Non, ce n’est pas grave, ce devait être les volets du voisin.

C’est étrange ces maux de têtes, les médecins ne comprennent pas. Le radiologue a dit qu’il n’avait jamais vu ça, un foutoir pareil, un cas extraordinaire, il se demandait comment je vivais, je lui ai dit que ça allait sauf quand ça cognait, qu’il fallait que je grimpe c’est tout. Alors il m’a dit grimpez, si ça vous fait du bien, moi je n’y comprends rien, votre intérieur ne ressemble à rien de connu.

Si vous voulez monter plus haut, il y a le grand séquoia, dans le parc, là-bas.

Merci, mais il faudrait d’abord que je redescende du toit. Je préfère attendre ici.

Voulez-vous que je vous apporte quelque chose, un café, un verre d’eau…?

Non merci, c’est gentil.

Bon, alors je vous laisse. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous tapez au carreau.

Merci, merci pour la danse.


Je l’ai salué, je suis allé vérifier la porte en bas, elle était effectivement réparée, du bon boulot.

Je repensais à sa dernière phrase, le titre d’une chanson de Léonard Cohen. Je réalisai alors que sa voix qui m’avait semblé familière tout le long de notre conversation était identique à celle du chanteur.

Dans le salon, sur la platine vinyl, le disque Thanks for the dance tournait encore, le bras en bout de piste.

Étais-je éveillé? Étais-je là où je pensais être?

Alors je me suis couché.

Pour vérifier.



 

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