Deux guerriers

(Hendaye, 8h)

J’attends la houle.

Elle est annoncée.

Déjà ce trait noir prometteur de la vague juste avant qu’elle ne se brise.

Mais c’est encore le ciel qui m’attire.

Il y a là deux visages face à face, les yeux dans les yeux, deux visages dans le ciel noir, deux guerriers qui ont posé leurs armes, Ils se tiennent aux épaules, les yeux brûlent de douleur, de colère, d’incompréhension, ils se regardent sans détour, ils voudraient comprendre, d’où vient la rage de l’un, la haine de l’autre. Comprendre. Reconnaitre à chacun sa peine. L’un va raconter son histoire, toute son histoire, puis celle de ses parents, de ses grands-parents, de ses arrière-grands-parents, ce qu’il connait de ses ancêtres, et l’autre à son tour racontera. Cela va durer longtemps, très longtemps. Ils prendront garde à éviter ce qui tient de la simple rumeur. Ils raconteront, écouteront, et leur étreinte se décrispera, peut-être même deviendra-t-elle tendre, la tendresse de celui qui console son frère.

Oui, cela prendra tant de temps. Je voudrais que le vent ne souffle pas trop vite ces visages.