mercredi 31 janvier 2024


Patte d'ours

(Hendaye, 28 janvier, 8h)

Il y a quelques années dans le spectacle "Mon Vieux et Moi" mon compagnon de jeu et metteur en scène Rachid Akbal racontait cette histoire:


En Amérique du Nord, quand un vieil indien sentait sa fin proche, il quittait la tribu pour accueillir la mort loin des siens en compagnie des arbres, des herbes, des pierres et des bêtes sauvages.

On dit que s’il croisait un ours, qu’il se fasse manger ou non, il se réincarnait en ours.

Alors si tu vois un ours c’est peut-être un vieux qui s’est réincarné…


Ce matin dans le ciel il y avait une grosse patte d’ours prête à accueillir tous les chagrins du monde, juste avant que le soleil ne se lève. 

mardi 30 janvier 2024


Brume

(Hendaye, 27 janvier, 8h 15)

La brume est affamée

La falaise perd le nord

Les surfers disparaissent

Un chien cherche son maitre

Il creuse frénétiquement le sable 

lundi 29 janvier 2024


Tout ira bien 

(Hendaye, 8h 20)

Le ciel est doux ce matin

Il a les couleurs d’une chambre d’enfant

Il reste encore quelques échardes à retirer

Mais tout ira bien

dimanche 28 janvier 2024


Miniatures éphémères 

Variations sur la pierre

(Hendaye, 26 janvier, 11h 25)

Désert




(Hendaye, 26 janvier, 11h 50)

Surplomb


samedi 27 janvier 2024


Surfer dans le brouillard 

(Hendaye, 8h 45)

Ce matin

Session de surf dans le brouillard

Sur l’eau

Le monde s’efface

Ne reste qu’une vague rumeur



(Hendaye, 9h)

vendredi 26 janvier 2024


Le mort

(Hendaye, 11h 30)

Couché sur le sable

Immobile

Bois, cheval, oiseau, chimère…?

Les chiens tournent autour

Grognent, reniflent 

Puis filent en aboyant

Et le bois s’échappe

Il faisait le mort 

jeudi 25 janvier 2024


Pleine lune du loup

(Hendaye, 20h 15)

Nuit américaine

Première lunaison de l’année

Lune du loup

C’est en janvier que les loups hurlent le plus

Pleine lune du loup

Et ses crocs se reflètent sur l’écume 




mercredi 24 janvier 2024


Une maison

(Vaucresson, 22 janvier, 17h 55)

C’est comme si l’hiver n’avait duré qu’une semaine.

La neige a fondu.

Le jardin a la mollesse d’un dégel trop rapide.

Déjà paraissent les Perce-neige.

Quelques roses gelées pendent lamentablement.

C’est pourtant l’une d’elle qu’il choisit d’offrir à sa mère.

Pour ses couleurs.

Couleurs des vieux papiers peints posés aux murs de l’ancienne maison familiale.

Une maison qui n’est plus la leur depuis longtemps, mais dont le souvenir est si vif.

Une maison, un pays, qui ont fait ce qu’ils sont, ce qu’ils ont été, la mère et le fils.

Une maison qui s’immisce souvent dans leurs conversations.

De plus en plus souvent, tandis que l’un et l’autre vieillissent.

De plus en plus souvent.

Jamais comme des regrets, mais comme une profonde reconnaissance. 

mardi 23 janvier 2024


L'arbre penché de l'étang de Saint-Cucufa

(Étang de Saint-Cucufa, 19 janvier, 15h 55)

Souvent, je viens auprès de cet arbre* qui s’étend au dessus de l’étang de Saint-Cucufa.

Au printemps il est un refuge pour les canards qui se faufilent entre ses branches à fleur d’eau.

Il est aussi une formidable tentation pour les mômes escaladeurs.

Il pose ses branches sur l’eau comme on pose la main sur le ventre rond qui palpite.

Aujourd’hui l’étang est gelé. La neige souligne la fantaisie du bois. Les canards se sont tirés plus au sud. 

Un gamin tape avec un bâton sur la glace qui claque et résonne. Le son se propage, un élan, une ruade, qui fait frémir l’arbre au repos.

Et l’arbre rit et l’arbre s’avance un peu plus comme un millepatte qui ne craint pas d’avoir froid aux pieds.

* Billet du 3 mars 2023


lundi 22 janvier 2024


Trébuché

(Forêt de Rambouillet, 18 janvier, 14h 30)

Il voulait courir

Tracer dans la neige

Trop grand, trop raide

Ce n’était pas sa nature

Il a trébuché

Les autres l’ont retenu

N’ont pu le redresser

Trop lourd

Combien de temps encore

Vont-ils le soutenir

Le froid glace

La neige couvre

La forêt attend

Au redoux sans doute

Il s’effondrera

Dans un grand craquement 

dimanche 21 janvier 2024


Miniatures éphémères

(Forêt des Flambertins, Yvelines, 11 janvier, 15h 10)

Position

Latitude 48°89’54.44’’ E

Longitude 1°38’5.42’’ N 

samedi 20 janvier 2024


Le vieux pommier du verger des Gallicourts

(Verger des Gallicourts, Rueil-Malmaison, 11h 25)

Le vieux pommier veille sur le verger des Gallicourts

Il murmure à qui veut l’entendre que le temps ne fait rien à l’affaire

Les gamins s’écartent effrayés par ses airs de sorcière

Tandis que le vieillard tente un pas de deux en sa compagnie 

vendredi 19 janvier 2024


Tableau

(Vaucresson, 9h 25)

Un rectangle de lumière sur le fond métallique de la cheminée éteinte.

Quelques branches sèches de néflier attendant d’être brûlées.

Petit moment de contemplation ce matin, du lointain des galaxies à la préhistoire. 

jeudi 18 janvier 2024


Comme des mômes

(Forêt de Rambouillet, 14h 10)

Aux premières neiges nous allons danser dans le fouillis des bois.

Comme des mômes

La nuit a glacé les arbres.

La forêt crépite du goutte à goutte qui perle de chaque branche.

Parfois une goutte nous tombe dans le cou. C’est froid.

Nous rions et nous nous tortillons.

Comme des mômes. 

mercredi 17 janvier 2024


Un cavalier

(Abbaye de Trois-Fontaines, Marne, 8 novembre 2023, 13h)

Il y a longtemps un voyageur a été accueilli ici.

Un cavalier Maure.

On lui offrit le gite et le couvert, de l’avoine pour le cheval.

En échange il fit don d’une émeraude et du récit de son épopée.

Il raconta trois jours et trois nuit. Le temps que le cheval reprenne des forces.

Il raconta trois jours et trois nuits adossé à ce mur.

C’est ce que dit le mur. Ce vieux mur dont il ne reste qu’un pan entouré d’herbe grasse.

On y lit la respiration du cavalier qui s’apaise au fur et à mesure du récit.

On y lit l’histoire d’un homme dont la quête était un mirage. 

mardi 16 janvier 2024


Leur chien

(Travaillan, 30 décembre 2023, 8h 15)

Il appelle. Rien.

Y a que la ligne à haute tension qui grésille.

Son chien s’est tiré dans le brouillard.

Il a filé comme ça, d’un coup, sans aboyer, direct dans le brouillard, comme s’il avait vu Corinne.

Ça se peut pas. 

Corinne a calanché, y a deux ans de ça. On n’y peut rien. C’est comme ça. La vie est belle mais elle reprend. Ils ont eu du bon temps. Quand ils se sont connus, y avait pas la ligne, y avait pas autant de rayures dans le ciel. Y avait du bleu, beaucoup. 

Quand il s’est retrouvé sans sa douce, le chien a chialé plus que lui. 

Et puis ils s’y sont faits. Il faisait juste un peu plus froid et y avait moins de bleu.

Et là, le chien qui cavale comme s’il avait vu un fantôme, le chien qui s’efface dans la brouillasse.

Lui qui gueule au bord du champ. Il a bien vu quelqu’un là-bas, une silhouette, une ombre, il est pas sûr, mais ça se peut pas.

Pourtant le chien ne revient pas.

Faudrait qu’il revienne. Son chien. Leur chien.

Il n’appelle plus. Il attend. Au bord du champ.

Faudrait vraiment qu’il revienne, sinon le brouillard va bouffer tout le bleu qui reste. 

lundi 15 janvier 2024


Dépaysé

(Forêt de Marly, Yvelines, 14 janvier, 15h 20)

Dépaysé.

Un bout de forêt à quelques kilomètre de la maison.

Bouleaux, chênes, charmes, fougères.

Lumière d’hiver.

traces de bêtes dans la terre gelée.

C’est la première fois que nous passons par là.

Sensation du lointain.

Dépaysé, dis-je.

J’aime tant ce mot. 

dimanche 14 janvier 2024


Miniatures éphémères

(Arboretum de Chêvreloup, 8 janvier, 15h 50)

La haute route 

samedi 13 janvier 2024

 

Les vieux indiens V*

(Marnes-la-Coquette, 14h 45)

La barque est gelée, les oiseaux sont cachés, Vol-au-vent et Genoux-Écorchés ont froid aux fesses. Ils sautent sur place pour se réchauffer. Deux vieux qui dansent en riant.

Comme chaque jour , ils se retrouvent à leur barque amarrée. 

Ils s’aventurent de moins en moins souvent sur la rivière. Le bois de la barque ne vaut pas mieux que leurs vieux os.

Ce n’est pas grave, ils inventent bien d’autres façons de gambader. Ils profitent de la moindre lumière pour s’en aller d’un bond et quelques mots à Oulan-Bator, Valparaiso, ou Natashquan.

Ils sont libres et tiennent à le rester.

Soudain Vol-au-Vent propose un nouveau jeu:

Dis-moi, Genoux-Écorché, il y a longtemps qu’on a pas chassé. Si on se taillait quelques flèches pour les perdreaux et perdrix du nouveau gouvernement!

Aussitôt ils sortent leurs canifs pour tailler en pointe de long morceaux de bois dur.


 * I, II, III, IV billets du 27/11/2020, du 11/02/2021, du 16/10/2021, du 26/10/2022.

vendredi 12 janvier 2024


Ceux qui partent... 

Une histoire d'Arthur et le Vieux

(Forêt des Flambertins, 11 janvier, 15h 50)

Le Vieux était parti en voyage, dans un pays où il faut se mettre à dix en se tenant par la main pour faire le tour des arbres, dans un pays où la poussière recouvre tout, où les sacs plastiques s’accrochent aux branches, où les vaches sont maigres, où les jeunes gens rêvent de s’en aller

à l’autre bout du monde pour vivre comme on vit dans les images du téléphone.

Il avait promis à Arthur de lui rapporter des histoires, des histoires de la terre où il a fait ses premiers pas.

Mais de retour à la maison, la valise était vide.


Arthur, je suis désolé, je n’ai pas d’histoire. On me les a volées. J’aurai du fermer la valise à clef.

C’était peut-être un douanier, un douanier qui avait des enfants et pas d’histoires. 

Après tout ce n’est pas grave, d’autres en profiteront. Je ne sais plus ce qu’il y avait dedans, des enfants, des tortues, des mirages, le désert, la mer, des baobabs…


C’est quoi un baobab?


C’est un arbre qui pousse dans la savane, en Afrique. Il a un tronc énorme et des branches courtes tout en haut.


Y en a pas ici?


Non, il fait trop froid.

Regarde dehors tout est gelé.

Viens, allons voir si l’étang des Flambertins est gelé, peu-être on pourra marcher sur le ciel.



Ils ont enfilé leurs vêtements les plus chauds, le Vieux a pris sa canne avec la pointe, pour ne pas glisser, et ils sont allés à l’étang. Il y avait un peu de neige qui craquait sous les pieds. On y voyait parfaitement dessinées les traces des oiseaux.

À l’étang, la glace résonnait, suffisamment épaisse pour qu’on s’y aventure sans danger.

Le ciel était bleu.

Ils sont allé jusqu’au centre.

Là le Vieux à piqué la glace avec sa canne, jusqu’à faire un trou, un trou juste assez grand pour passer la main.

Il a remonté sa manche et a plongé la main dans l’eau froide.  Il savait l’étang peu profond. Il a attrapé un caillou blanc et rond, un autre long, blanc aussi avec des algues vertes accrochées au bout.


Regarde Arthur, un bout de mes histoires volées. Une étoile du ciel et un baobab…. Ça me revient… l’histoire du garçon qui vivait au pied du baobab, dans le baobab même, un baobab creux, avec de la place pour une famille entière à l’intérieur. Mais le garçon se sentait à l’étroit malgré tout, alors il est parti, il s’est perdu dans le désert, il a retrouvé son chemin grâce aux étoiles, il a marché des jours et des jours…. je ne sais plus la suite.


Alors Arthur a demandé au vieux de refaire un trou, de sortir d’autres cailloux, et encore un autre, et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’étang soit plein de petit trous avec des cailloux soigneusement posés sur la glace à côté.

il restait à assembler cette longue histoire de ceux qui partent pour vivre comme on vit dans les images du téléphone.

jeudi 11 janvier 2024


De petits carrés de ciel bleu

(Forêt des Flambertins, Yvelines, 15h 05)

La nuit a été froide, très froide.

Il n’a pas rallumé le poêle, il faut économiser le bois.

Il a dormi habillé, avec quelques couvertures de plus.

Au matin il n’eut que ses bottes et sa veste de mouton à enfiler.

Il est allé à l’étang.

Le ciel était pris dans la glace.

Il en a découpé de petits carrés.

Des petits carrés de ciel bleu pour continuer à vivre quand le soleil ne se lèvera plus. 

mercredi 10 janvier 2024


L'homme et son grand chien blanc

(Vaucresson, 9 janvier,16h 40)

Souvent,

nous les croisons sur ce chemin.

Quelque soit le temps.

L’homme et son grand chien blanc.

L’homme marche les mains derrière le dos.

Le chien gambade, de droite à gauche, jamais très loin.

Ils sont silencieux. Ils sourient.

Oui, le chien semble sourire, comme son maître.

Nous nous saluons d’un signe de tête.

Un grand chien-loup, blanc. Un homme mince aux cheveux blancs, sans âge.

Nous échangeons un sourire. Aucun mot.

Le vent, la pluie, la neige, les feuilles qui craquent, le souffle discret du chien.

On voudrait alors que cet instant de paix soit extraordinairement contagieux. 

mardi 9 janvier 2024


Le silence de la neige

(Étang de Saint-Cucufa, 16h 10)

Le silence de la neige

Au bois de Saint-Cucufa

Même les canards se taisent 

lundi 8 janvier 2024


Neige

(Arboretum de Chêvreloup, 16h 10)

Un hiver presque normal

Quelques flocons de neige

De quoi faire sauter les enfants

Mais pas assez pour les batailles

Ce qu’il faut de blanc pour voir mieux 

dimanche 7 janvier 2024


Miniatures éphémères

(Abbaye d’Orval, Belgique, 23 avril 2021, 15h 50)

La vie ne tient qu’à un fil 

samedi 6 janvier 2024


Sur l'Autoroute

(Sur l’Autoroute A 10 entre Tours et Orléans, 16h 14)



(16h 15)

Sur l’Autoroute A 10, je passe le volant à Sophie pour attraper le paysage.

C’est le paysage qui m’attrape.

Et les arbres me passent leurs mains dans les cheveux comme un père à son petit garçon. 




(16h 16)


vendredi 5 janvier 2024


 Métamorphose

(Hendaye, 4 janvier, 18h)

C’était il y a longtemps dans une région de tourbe et de pluie.

L’enfant était parti chasser, seul. C’était la première fois.

Poursuivant un lièvre démesuré, il s’était égaré dans une zone marécageuse.

Épuisé, cerné de sables mouvants, il s’était étendu sous un ciel noir battant tambour, les yeux fermés.

Il avait alors senti son corps s’allonger, sa respiration siffler, sa langue vibrer.

Devenu serpent, il avait glissé loin des marais, jusqu’au sentier empierré qui menait au village.

Il s’était redressé, et, grandi de quelques centimètres, il était entré par la grande porte.

Tous avait reconnu leur nouveau chaman.

jeudi 4 janvier 2024


Coups de pattes

(Hendaye, 8h 40)

Ce matin

Un gros chat noir

Un chat joueur

Donnait de grands coups de pattes dans le ciel

Griffes rentrées 

mercredi 3 janvier 2024


Le chat

(Venise, 25 janvier 2018, 18h 30)

Ils se sont aimés dans la maison rouge au bord du canal.

Le lampadaire extérieur éclairait la chambre.

Il lui reste de son corps un parfum félin et des lignes ombrées.

C’était la dernière nuit de l’année.

Ils sont descendus respirer l’air du nouvel an.

Il a dit : je vais chercher des cigarettes, attends moi là.

Elle a rit: C’est un peu facile non!

Ils se sont frottés le nez en ronronnant, puis il est parti sans se retourner.

Bien sûr il n’est pas revenu. C’est tellement banal. 

Pourtant chaque année au jour de l’an elle est revenue au pied  de la maison rouge.

Une intuition, une griffe, indélébile, au creux des reins.

Cinq années de suite elle est venue attendre.

Ne venait qu’un chat, un chat noir et blanc, toujours le même, à la même heure.

Il tournait autour d’elle en la regardant intensément, se frottait contre ses jambes.

La cinquième année, elle a décidé de ne plus revenir.

Elle est partie, avec le chat. 

mardi 2 janvier 2024


Un jour de feutre noir

(Hendaye, 9h)

Ombres chinoises à la lisière des paupières

Douce pente d’un nuage sombre

Après avoir longtemps frappé à la porte

Elle s’ouvre sur un jour de feutre noir

Un air d’accordéon et une femme qui danse

 

lundi 1 janvier 2024


Bonne année, même pas peur

(Hendaye, 9h)

Il y eu une nuit de fête

Les fusées claquant

De part et d’autre de la frontière

Fusées d’artifice

Peinant à effacer les fusées de guerre 

Tonnant sous d’autres cieux

Puis le petit jour

Premier ciel, premières lumières

Premières vagues

Puis il y eu la couleur

Les chiens qui courent sur la plage

Les passants sur la promenade

Feliz año! Urte berri on! Bonne année!

Une déesse de Bottero

Maillot turquoise, gants roses, chaussettes rayées noires et vertes

Posant avec grâce sur le sable

Et une fratrie téméraire

Jaune, bleu, vert, rouge

Du plus petit au plus grand

Affrontant la mer d’hiver

Même pas peur!