samedi 5 octobre 2024


Pieds nus

(Forêt de Rambouillet, 4 octobre, 15h 40)

Du sentier de sable partait un couloir de fougères écrasées par le passage d’une bête. Il conduisait aux grands pins, au sous-bois couvert d’une mousse épaisse. J’ai ôté mes chaussures, mes chaussettes, je les ai posées sur le bord du sentier, les chaussettes bien pliées dans les chaussures et j’ai suivi la trace. Autant la marche sur les fougères était mal aisée, toutes sortes de brindilles égratignant les pieds nus, autant la marche sur la mousse était délicieuse. La mousse encore fraiche et humide épousait parfaitement la plante du pied, ralentissant le pas, afin d’en mieux éprouver les sensations. j’ai marché quelque temps, sans autre but que de sentir la mousse sous mes pieds, je faisais le tour des arbres, je revenais sur mes pas, je traçais des huit dans le sous-bois. Puis je me suis étendu dans une trainée de lumière. La cime des pins bruissait au vent comme un océan lointain. Alors j’ai pensé à mon père dont la pudeur était telle qu’il ne supportait pas de me voir nus pieds dans la maison. Il ne quittait jamais ses chaussures, si ce n’est pour des chaussons de cuir. Je me suis souvenu de son visage, de ses mains, dans son cercueil au moment du dernier adieu, mais pas de ses pieds. Était-il chaussé?

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