Mon grand-père
Le père de ma mère
(Les-Grandes-Dalles, Seine-Maritime,14 décembre 2016,11h 30)
Hier nous fêtions les cent ans de ma mère. Nous étions nombreux autour d’elle à l’écouter et partager nos souvenirs. Elle a raconté à ses arrières petits enfants la fameuse histoire des crocodiles, Croque et Odile, que mon grand-père rapporta un jour chez eux. Mon grand-père était un homme élégant et fantaisiste. De retour d’un voyage à Paris, ses enfants lui ayant demandé de rapporter quelque chose d’extraordinaire, il revint avec, dans ses bagages, deux bébés crocodiles achetés à la Samaritaine. On les mit d’abord dans un aquarium, puis quand ils furent plus grands dans la baignoire. On avait fait construire dans le jardin de la villa de vacances à Hendaye un bassin pour les y accueillir. Un jour le curé d’Hendaye qui avait lui-même un bassin avec quelques poissons rouges demanda à mes grands-parents de prendre ses poissons en pension le temps de vider et nettoyer son bassin. Les crocodiles n’en firent qu’une bouchée. À ce moment de l’histoire ma mère est toujours prise d’un irrésistible fou rire. Quand les crocodiles furent trop grands, mon grand-père en fit don aux jardin des plantes de Toulouse. Il y moururent pendant la guerre, les bassins ne pouvant plus être chauffés. L’un des deux fut naturalisé et finit dans l’atelier de mon oncle le peintre Pierre Igon. Je me souviens l’y avoir vu.
Je n’ai pas connu mon grand-père maternel, mort trop jeune, pour qui ma mère avait une grande admiration. J’ai découvert hier une photo où on le voit, grand, vêtu d’un pardessus sombre et d’un feutre noir, une cigarette au coin des lèvres, quelque part au bord de la mer, un homme d’une grande classe.
Ce soir je veux voir la mer alors que j’en suis éloigné, je veux voir la mer et les images de la veille se bousculent. Je trouve une vielle photo, une photo de mer, une photo « élégante ». Je mets un pardessus, un feutre sombre, j’allume une cigarette et j’entre dans la photo. Je monte les quelques marches, je pose mes mains sur la balustrade, face à la mer. Au parfum du tabac se mêle l’iode du grand large, le cri des mouettes résonne contre les hautes falaises. Alors je les imite en levant les bras, et je vois mon grand-père et entend le rire de ma mère.
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