mardi 22 avril 2025


Nuit

(Forêt de Coatloc’h, Scaër, Finistère, 12 novembre 2024, 14h 45)

Ils sont une petite bande d’adolescents qui trainent dans  les rues de Scaër. Sophie, toujours coiffée d’une natte sur le côté gauche, Gilles, qui rougit pour un rien, Erwan, qui vient de réussir les tests pour devenir jeune sapeur pompier, Pierre qui n’a pas la langue dans sa poche  et Louane qui hésite entre fille et garçon. 

C’est samedi soir, ce sont les premiers beaux jours, quand le parfum des bois incite à se déclarer. 

Ils se sont retrouvés à l’ancienne loge de sabotier, dans la clairière de la maison forestière de Coatloc’h qui est maintenant un refuge pour les chauves-souris. Les portes ont été définitivement fermées, des ouvertures ont été ménagées sous le toit.

Il fait nuit noire. Les cinq amis ont laissé vélos et scooters au début du sentier qui mène à la clairière. Les téléphones sont coupés. C’est un pacte, il faut arriver ici en silence, ne pas déranger  les bêtes et les fantômes. Ils sont assis à même le sol dans la hutte de  bois des sabotiers. Un joint tourne. C’est à celui ou celle qui racontera l’histoire la plus terrifiante. Ils aiment se faire peur, pour après se réconforter. Pierre raconte que le dernier garde forestier qui a vécu dans la maison était un solitaire aux canines pointues que l’on voyait parfois errer la nuit dans le village. Il serait toujours là  enfermé dans la maison pendu par les pieds entouré de centaines de chauves-souris. Tendez l’oreille, on entend son souffle rauque. Gilles raconte la nuit où un être invisible dont il entendait les pas et la respiration est venu s’assoir sur son lit. Sophie raconte comment perdue dans le Vercors  alors que le brouillard était si dense  qu’on ne voyait pas à deux mètres, elle s’est retrouvée face au Minotaure… On frissonne, on rit, on en rajoute…

Puis Louane parle de morts vivants, de cadavres qui se relèvent, de corps déchiquetés qui jaillissent en claudiquant des trous d’obus…

Dans la hutte, l’atmosphère change, les rires jaunissent. Soudain Erwan, Erwan le téméraire fond en larmes. Il raconte ce qu’il a entendu cette après midi, le témoignage d’un médecin de retour de Gaza, le massacre sans discernement, l’horreur absolue, le  danger constant.

Puis c'est le silence, la nuit noire, et une question qui vrille dans les têtes: Que faire? 

1 commentaire:

  1. The horror stories pale in comparison. 50 years ago I was sure the evils of the past would continue to disappear. I thought things would continue to get better. I was wrong.

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