vendredi 26 décembre 2025

 

Le vieux capitaine

(Vaucresson, 9h 35)

Le vieux capitaine n’a plus rien dit depuis Nagasaki. Il somnole sur son fauteuil roulant, le menton sur la poitrine, un filet de bave au bord des lèvres. Sa fille lit à ses côtés sous la véranda baignée de lumière. C’est un salon d’été  meublé à l’occidentale, fauteuils et meubles en rotin, qui donne sur un jardin luxuriant. Sur la table basse un bouquet de roses et freesias, les fleurs fanées ont la délicatesse d’un fin parchemin. La robe bleu de la femme est en parfaite harmonie avec le jaune des coussins. Dans une cage suspendue à un élégant support en fer forgé, chante un rossignol du Japon. Le chant de l’oiseau est ponctué des frêles bim bam boum paf piiiou d’un petit garçon qui joue avec ses soldats de plomb. L’enfant joue à la guerre aux pied du vieux capitaine et de sa fille dévouée. Soudain un boum plus fort que les autres fait taire l’oiseau. Le capitaine se réveille brusquement. Il voit la silhouette d’une figurine sur l’accoudoir d’un fauteuil, le dernier assaut juste avant que le soleil ne se couche. Le vieux capitaine s’agite, il ouvre la bouche, il va parler, il balbutie, la femme laisse tomber son livre, s’approche, l’homme et sa fille se regardent fixement, l’enfant se tait, l’oiseau est immobile, le vieux bégaye, il fait des efforts surhumains, sa fille l’encourage, il va parler, il va dire… Mais non, il renonce, sa bouche se ferme. L’enfant reprend son jeu, l’oiseau son chant, la femme sa lecture.

1 commentaire:

  1. Que maravilla de texto. Has logrado crear un cierto suspense hasta saber como termina la historia. La foto me parece muy acertada y acompaña muy bien al texto. Bien escrita la historia y muy buen fotografía.
    Un abrazo

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