mardi 7 novembre 2017


Le moment de la paix


(Au pied du Jaiskibel, Espagne, 1er novembre)

Quand Antonio est arrivé au fond de la crique, la mer était si calme qu’il y régnait un silence étrange. Le ciel avait mangé la mer et quelqu’un avait éteint la lumière. C’était la première fois qu’il accompagnait son oncle Pablo. Il avait eu du mal à le suivre jusqu’ici. Pablo courait sur le sentier des douaniers, dansait sur les pierres, connaissait le chemin par cœur, c’était son territoire. Antonio, lui, ballotté de ville en ville par sa mère et ses amants, n’avait jamais eu de « territoire ».
Il avait tenu bon derrière Pablo, il ne voulait pas s’en séparer.
Là, au fond de la crique, où la mer pénètre l’obscurité des falaises, épuisé, il avait senti une promesse de paix.
Et puis Pablo, sans un mot, avait noué une fourchette au bout de son bâton, puis scruté l’eau sous les pierres. Très vite il avait déniché un poulpe, l’avait piqué d’un coup sec. Antonio avait vu l’eau noircir, devenir plus noire que les pierres. Il avait  vu Pablo brandir fièrement le poulpe au bout de son bâton fléchissant sous le poids du céphalopode, il avait vu Pablo battre violemment l’animal sur la pierre noire.
Non, ce n’était pas encore le moment de la paix.

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