mercredi 12 décembre 2018



Quand ça cloche


(Lac de Bournazel, Seilhac, Corrèze, 11 décembre)

17h, temps frais et clair, pas le moindre frémissement ni sur l’eau, ni dans les herbes.
Un souvenir, un souvenir de tempête, de pantalon mouillé, de course, du craquement des joncs arrachés.
Marc est rentré plus tôt que d’habitude. Il n’a rien dit, il n’a pas ôté ses chaussures de sécurité, ni sa veste à bandes réfléchissantes. Il a posé la lettre de licenciement sur la table, il a regardé Martine et il est ressorti.
Elle l’a trouvé au bord du lac, près de l’arbre mort, un bon coin pour pêcher, c’est là qu’il vient quand ça cloche.
Marc ne bouge pas. Il mâchonne une brindille, les mains dans les poches, les poings serrés. Il fixe l’eau dormante, si lisse, si bleue. Il pense un bref instant à la galerie des glaces du château de Versailles, ils y ont été l’année dernière avec Martine, un voyage organisé par le comité d’entreprise. C’était beau, après il y a eu les grandes eaux, ils ont mangé des gaufres, un chouette voyage.
Martine s’approche sans un mot. De sa main chaude, elle ébouriffe la tignasse rêche de son homme.
Le même geste, exactement le même geste que faisait sa mère quand il rentrait de l’école la tête baissée, les cheveux en bataille, ses deux petits poings tachés d’encre serrés au fond des poches.
Marc fixe les reflets dans les eaux bleues. Il retient ses larmes.

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