mardi 20 juillet 2021


Homme poisson 

(Villers-devant-Orval, 18 juillet, 15h 30)

Elle était comme une fleur sauvage au bord du ruisseau.

Il l’avait aperçue la tête penchée ses longs cheveux trempant dans l’eau claire.

Il s’était approché sans un bruit, ni même un souffle, dans chaque pas, une éternité.

Il avait vu le reflet de son regard brouillé dans le courant, 

il avait vu les alevins nager entre les pointes blondes,

il avait tendu la main vers ses épaules tachées de rousseur,

et soudain elle n’était plus là, aucune trace sur la berge, si ce n’est une branche cassée net.

Il était tombé, écrasant les herbes humides, glissant jusqu’à l’eau,

il était devenu poisson à tête d’homme s’en allant sonder les profondeurs,

il était devenu poisson parmi les poissons,

et ceux-ci stupéfaits le voyaient mené vers l’aval tandis qu’ils allaient en amont.

Aux premières cascades il fut emporté comme tombe la pluie,

et le chant du ruisseau le conduisait toujours plus loin,

là où le lit s’élargit, où l’eau devient plus sombre, où le fond se charge d’histoires.

Il leva les yeux vers la surface, vit la chevelure blonde mouvante dans le courant,

et son regard comme deux étoiles dans un ciel trouble.

Il sentit les cheveux sur son visage, il sentit son dos contre son torse,

il sentit les draps froissés à ses pieds, et ses bras étaient des bras

qui enlaçaient tendrement celle qui toujours avait été là.

Par la fenêtre ouverte au dessus du lit un peu de pluie avait coulé sur l’épaule tachée de rousseur.


2 commentaires:

  1. Merci, merci et à très bientôt. Très belle journée Marie - Pierre

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  2. Your written images are amazing--- I hope someday you will make the film that is locked up inside you.

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