Une planète et son satellite
(Euphorbe, Buxerolles, 7 avril, 10h 50)
Les mots me manquent.
Entre deux voyages je ne sais plus trop où je suis.
Dans le silence de la nuit la lassitude subrepticement m’envahit.
C’est à l’instant où j’abandonne que vient une image.
Celle que je retiens de cette journée.
Sur le marché de Poitiers, une femme toute ridée, coiffée d’un fichu coloré, roule sur sa table la pâte pour faire le Börek. Ses gestes sont précis, rapides, sensuels. Aucune pause, il faut fournir, ses galettes sont réputées.
Pourtant, elle s’arrête, un court instant, elle se penche au dessus de l’étal pour saluer le môme de deux ans qui l’observe depuis un moment, les yeux ronds, fasciné par les mains usées qui roulent et étirent la pâte.
Elle se penche. Ses mains sont blanches de farine. Son sourire creuse les rides. Ses seins lourds touchent la table. Elle semble suspendue, comme le petit garçon qui ne la quitte pas des yeux, suspendus, reliés par un fil de lumière, une planète et son satellite.
Et cette image ne me quitte plus. Dans la nuit étoilée l’enfant tourne autour de la femme. Les galettes sont des planètes, et les seins de la femme, et son visage, et les mains de l’enfant, si petites, si fines, et nous qui regardons, et vous qui lisez…
Le ciel devient une peinture de Chagall traversé d’ânes, d’amoureux et de musiciens et au centre une géante aux seins lourds qui roule autant de crêpes qu’il faudrait pour nourrir l’humanité entière.
The child revolves around the woman-- a wonderful phrase.
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