Anxiété
(Saint-Cloud, Hauts-de-Seine, 16h 10)
Elle est seule dans la salle d’attente du cabinet médical. Un bas de porte chuinte sur le parquet, des voix parlent bas, la maladie se fait discrète. C’est autre chose dans sa tête. Elle y prend trop de place, plus qu’elle n’en devrait. Qu’elle calme son anxiété, et elle ira déjà un peu mieux. Elle le sait, mais l’anxiété ça s’invite sans prévenir, parfois c’est tenace, parfois ça s’en va aussi vite que c’est venu, on ne sait pas trop pourquoi. Le médecin tarde, c’est signe qu’il prend son temps avec le patient précédent, plutôt un bon signe. Elle a déjà feuilleté toutes les revues posées sur la table. Elle n’a regardé que les images, impossible de se concentrer sur la lecture des articles. Elle cherche un point où fixer son regard, le tableau, le porte-manteau, les rideaux… Soudain elle revoit son grand-père qui les matins d’automne allait aux champignons dans les sous-bois derrière chez lui. Elle le voit légèrement vouté fouiller les feuilles de la pointe de sa canne, elle voit la côte qui mêne au bois derrière la maison, des parfums reviennent, les feux de jardin, l’humus et surtout l’odeur de tabac froid collée à ses vêtements défraichis et à sa moustache jaunie, le parfum de son grand-père si prégnant quand il s’approchait pour lui montrer le champignon qu’il venait de trouver, un champignon délicieux disait-il en lui ébouriffant les cheveux. Et là, devant la silhouette de son grand-père, elle va déjà mieux.
A wonderful story, Pierre.
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