L'homme à tête de vache
(Sur les pentes du Jaiskibel, au dessus d’Artzuportu, Pays-Basque espagnol, 14h 25)
Le ciel est clair, l’air est vif, je suis le sentier côtier du Jaiskibel, de partout l’eau coule le long des pentes, un pan entier du sentier s’est effondré, il faut remonter, passer plus haut, se frayer un chemin dans les fourrés. J’aime les détours obligés, on y fait des découvertes, de nouvelles rencontres. J’arrive au dessus du Port d’Artzu, une crique étroite ouverte par un ruisseau qui jaillit dans une bambouseraie au pied d’un grand rocher. J’affectionne ce lieux, ce petit bout de lointain. La pierre sombre, les bambous, quelques très vieux platanes, une minuscule plage de sable blanc incitent à la rêverie. C’est la première fois que je viens d’en haut, en suivant l’eau qui cascade. En bas je surprends un homme en train de laper l’eau du ruisseau. Un homme avec une tête de vache, un long mufle, de grande cornes parfaitement symétriques. Il porte un pull jacquard et un short d’où dépassent de maigres jambes et derrière une courte queue dotée d’un épais toupillon. À mon approche, il se lève et me salue. Il parle lentement, chacune de ses phrases précédée d’un long MMMMM.
MMMM bonjour. Tu es le premier homme que je rencontre depuis des siècles. MMMM Les dernières tempêtes et et les pluies torrentielles m’ont chassé de mon trou. Je suis un fils caché de l’égyptienne Hathor. MMMM Je dormais dans un sarcophage enfoui sous le sable de la vallée des rois quand un trafiquant d’antiquités m’a enlevé. Nous avons traversé la Méditerranée, franchit le détroit de Gibraltar, remonté l’Atlantique vers le nord. MMM le navire a fait naufrage dans le Golf de Gascogne, les vagues et les courants m’ont déposé sur cette côte escarpée. Depuis je vis ici dans un trou de roche, à l’écart des hommes et des dieux. MMMM j’attendais quelqu’un qui parle aux arbres et aux rochers…
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