La chute du ciel
(Saül, Guyane, 15 mai 2023, 4h 55)
« La forêt est vivante. Elle ne peut mourir que si les blancs s’obstinent à la détruire. S’ils y parviennent, les rivières disparaîtront sous la terre, le sol deviendra friable, les arbres se rabougriront et les pierres se fendront sous la chaleur. La terre desséchée deviendra vide et silencieuse. Les esprits xapiri qui descendaient des montagnes pour venir y jouer sur leurs miroirs s’enfuiront au loin. Leurs pères, les chamans, ne pourront plus les appeler et les faire danser pour nous protéger. Ils seront incapables de repousser les fumées d’épidémie qui nous dévorent. Ils ne parviendront plus à contenir les êtres maléfiques qui feront tourner la forêt au chaos. Nous mourrons les uns après les autres et les blancs autant que nous.Tous les chamans finiront par périr. Alors si aucun d’entre eux ne survit pour le retenir, le ciel va s’effondrer. »
Davi Kopenawa (La chute du ciel, Paroles d’un chaman yanomami, Davi kopenawa, Bruce Albert, edit. Terres Humaines, 2010)
Le combat des Yanomani, tribu de l’Amazonie brésilienne, pour préserver leur territoire, ne cesse pas. Le film de Eryk Rocha et Gabriela Carneiro da Cunha, inspiré du livre de Bruce Albert et Davi Kopenawa, porte haut leur lutte. Il faut écouter la parole sans détours du chaman Davi Kopenawa, écarquiller les yeux devant ces images parfois sombres et floues, écarquiller les yeux pour sortir de notre cécité. Nous assistons à une fête funéraire en l’honneur d’un chaman, les communautés se retrouvent pour danser et parler. C’est une fin. La fin d’un monde? Parfois le bruit d’un avion perce l’envoutante musique de la forêt. L’orpaillage, les épidémies, la déforestation, la menace est constante. Vers la fin du film des images d’archives interrompent les chants et les danses, avalanches, éboulements, tempêtes, effondrements de bâtiments, archives en noir et blanc, brouillées, puis c’est un long silence, écran noir, puis la lumière à nouveau, gros plan sur une radio, c’est ainsi qu’ils communiquent entre communautés éloignées, quelqu’un annonce une naissance, et reviennent à l’image les danses et les chants, les enfants frappent le sol de leurs pieds nus, une machette se tend vers le ciel. La lutte continue.
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