Châteaux de Sable
Sur toutes les plages du monde il y a des enfants qui font des trous, des remparts et des châteaux, des enfants qui dessinent sur le sable leurs prénoms, des cœurs et des fleurs, des enfants qui rêvent d’être grands et d’aller de l’autre coté de la mer.
Lui, ce n’était pas un enfant et il me semblait même très vieux (sans doute parce que je n’avais qu’une dizaine d’année). Je l’attendais chaque nouvelles vacances sur la plage d’Hendaye, au Pays Basque. Il arrivait début septembre, alors que les familles bruyantes du mois d’aout avaient repris la route et que le vendeur de beignets avait ajouté dans son panier de savoureuses brochettes de raisins glacés au sucre.
Il venait à marée basse avec tout son attirail, seau, couteaux, pinceaux et cuillères et s’installait au pied des rochers sur le sable humide. Là il construisait un magnifique château qui grimpait en escalier sur les premières pierres. Fascinés, nous le regardions sculpter ce palais de sable aux multiples dômes et tourelles. Il travaillait la matinée entière et son oeuvre à peine achevée la mer remontée commençait à en lécher les fondations. Alors il grimpait un peu plus haut sur les rochers et regardait avec un sourire énigmatique les vagues détruire le château. Nous restions à ses cotés jusqu’à ce que la mer ait tout balayé.
Il ne faisait qu’un château. Un seul, mais chaque année au même moment, aux grandes marées, et chaque fois différent.
Je ne sais pas quand il a cessé de venir. Adolescent, je me désintéressai de ces jeux d’enfants et ne remarquai pas son absence. Comme la mer emportait ses sculptures, j’avais fait disparaitre mes jouets. Je voulais être grand. Ce fut chose faite lorsqu’un jour sur la plage un enfant me demanda l’heure en m’appelant Monsieur; j’avais tout juste quatorze ans et fut surpris et fier de m’entendre appeler ainsi.
Les livres prirent la place du train électrique, je fabriquais de curieux objets de bois, verres et os que j’accrochais au plafond et je faisais des photos avec un Brownie Flash Kodak carré.
Puis ce fut une nouvelle marée. A vingt ans je jetai tout, jusqu’à l’album photo, et découvrais d’autre jeux, sur scène.
Et maintenant, passé soixante ans, je m’invente à nouveaux d’autres jeux, des jeux faits de tous ceux que les marées ont emportés, des mots et des images en hommage à ceux qui jusqu’au bout font des châteaux de sable…
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