mercredi 19 octobre 2016


De Saint Jacques à Saint Michel


 Yoshi a quitté le japon après la catastrophe de Fukushima. Il est parti sur les chemins d’Europe y épuiser son chagrin. Marcher de Saint Jacques de Compostelle au Mont Saint Michel, deux mille et cent kilomètres. Ses parents avaient fait ce voyage, dans l’autre sens, il y a longtemps. Ils en avaient ramené une impressionnante quantité de photographies. Chaque route, chaque chemin, chaque maison d’hôtes, avait son cliché et son histoire et Yoshi ne s’en lassait pas.
Et les flots on emporté ses parents et tous leurs souvenirs. Alors il est parti. Pas à pas sur leurs traces, sans  jamais faire de photo, seulement éprouver le chemin, l’imprimer en lui, à l’encre indélébile.
Il  a marché deux mois et demi. Parfois, il lui semblait traverser une photo  prise par son père, comme sur ce chemin sec et les champs jaunes à perte de vue en Espagne, ou ce col des Pyrénées au lever du jour où il reconnut un rocher à la forme singulière. La précision de ses souvenirs le surprenait alors et le mettait en joie. Il s’allégeait.
Au début de l’automne, il est arrivé au Mont Saint Michel. la campagne Normande avait été telle que sur les images, paisible, avec ces carrés d’herbe entourés de haies, parsemés d’arbres posés comme des jouets, vaches et moutons y paissant, insouciants.
Il se sentait bien, apaisé. Il est entré dans la cité en souriant au gendarme qui lui demandait d’ouvrir son sac. Il y avait beaucoup de ses compatriotes l’œil rivé sur leur smartphone filmant tout; des groupes d’enfants aussi qui parlaient fort, espagnols, anglais, italiens; Toutes ces petites boutiques de souvenirs étaient bien jolies, on y vendait des peluches , des sabres, des boules à neige des vêtements de marin, des biscuits du coin et des caramels mous.
Plus il montait vers l’abbaye, moins il y avait de monde. Il gravissait les escaliers avec allégresse. Dans le cloître, il fut seul quelques instants  et comprit que l’on puisse passer sa vie dans de tels lieux.
Sur la plus haute terrasse, le vent soufflait fort. Yoshi fut saisi par la vue sur la baie. La marée était basse, le ciel s’était couvert et les vasières s’assombrissaient. Il sut alors qu’il n’en aurait jamais fini avec son chagrin, il fallait juste qu’il reste en mouvement pour l’apprivoiser.

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