Le Personnage
( Hendaye, 16 juillet )
Après une journée de répétition en ville sous les lumières électriques, fourbu, j’ouvre l’album photo comme on déplie une chaise longue.
Tant de nuages, tant de traces sur le sable. Devant l’image, dans la solitude du bureau, je sens le personnage prendre sa place dans mon corps, dans mon esprit. Je le sens m’essayer, je suis son costume. Frère Grégoire, c’est son nom, regarde le ciel, l’eau et le sable, et défilent les drakkars, les lombards, les moines fuyant en cortège, les barbares piétinant le jardin des pères, les incendiaires, les porteurs de pierres, les armées de la révolution, les cieux mille fois changeants, les amis disparus. Frère Grégoire se tient debout sur un muret de pierres grises, il regarde l’eau le ciel et le sable, il sait les tempêtes et la terreur, et pourtant il est en paix.
Je regarde l’image. Un air léger vient du dehors par la fenêtre ouverte sur la nuit. Grégoire lentement se retire. Je le sens maintenant hors de moi, mais pas très loin, peut-être dans le bouquet de fleurs sur la petite table.
Je regarde l’image et j’ai une irrépressible envie de plonger dans les vagues.
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