mercredi 6 février 2019



Un Voyage


(Toulouse, Jardin des plantes, Haute-Garonne)

Je pars à cinq heures, il pleut, un crachin glacé. Dans le train les visages sont fatigués, beaucoup dorment, gagnent quelques minutes de sommeil le temps du trajet avant les huit heures de travail quotidien. Train de banlieue, métro, visages cosmopolites d’avant le lever du soleil, ceux qui chaque jour dans le même wagon se reconnaissent se saluent.
Montparnasse, ce sont maintenant quelques cadres qui à peine installés dans le TGV ouvrent leurs ordinateurs. Ils n’auront pas été déconnectés plus d’une heure.
Je pars à Toulouse. Un simple aller et retour pour l’enterrement de ma tante Suzanne, la sœur aînée de ma mère. 95 ans, une génération s’éteint petit à petit. Ma mère est la dernière, elle le dit en riant. Le sourire, le signe de cette famille dont Toulouse fut le berceau.
Après une soirée en famille et une nuit à l’hôtel, je me rends à pied à l’église. Le même crachin à Toulouse qu’à Paris, mais plus doux. Même sous un ciel gris la ville est belle. Les multiples impacts sur les vitrines après les dernières manifestations contrastent avec la douceur des briques. Toulouse, la ville rose où l’on voit le ciel.
Il est encore tôt, je suis en avance pour la cérémonie religieuse, je fais quelques pas au jardin des plantes, tout près de l’église.
C’est là que j’aperçois cette belle jeune femme qui observe les oiseaux, assise en tailleur sur les feuilles mortes dans les buissons.
Une princesse Hmong. L’émotion me saisit. L’image aurait put être prise au Vietnam ou en Guyane. Les histoires de ma famille maternelle et paternelle se bousculent. Il y a cet homme, un vietnamien, qui s’est présenté un jour chez ma tante Suzanne. Il était le fils d’un arrière grand-oncle militaire en poste en Indochine, et après de longues années venait enfin de retrouver la trace de ses origines. Il y a mon grand-père paternel qui fit carrière en Indochine dans les messageries fluviales. Il y a toute cette branche de ma famille maternelle qui est partie pour l’Argentine. Il y a eu l’Afrique pour mes parents. L’Afrique, l’Asie, l’Amérique du sud.
En vieillissant l’histoire familiale m’intéresse de plus en plus. Elle détient sans doute les clés d’une part de ce que nous sommes.
Le mois prochain je pars cinq semaines en Guyane. Les raisons de l’amour que j’ai pour ces terres tropicales que je fréquente depuis plus de dix ans me paraissent de plus en plus claires.
Aujourd’hui, au jardin des plantes de Toulouse, cette jeune femme m’emporte dans un fantastique voyage en compagnie des morts. Je l'en remercie.

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