La lune, le magnolia et le rouge gorge
(Vaucresson, 4 avril, 17h 30)
La lune, le magnolia et le rouge-gorge.
C’est le titre d’un livre où le héros ne parle pas, il attend, seul, immobile, sur un banc, dans un jardin, il attend depuis longtemps, sa barbe et ses cheveux poussent.
Dans le livre beaucoup de pages sont blanches, il ne se passe rien.
À la page deux:
Impossible de me concentrer sur quelque tâche que ce soit. Je m’assois et j’attends.
À la page douze:
Quand j’étais enfant, parfois je me levais la nuit, inquiet, persuadé d’entendre pleurer un bébé abandonné dehors. Je ne voyais jamais rien par la fenêtre et mettais du temps à me rendormir.
Ce n’est que très tard que j’ai compris que ces gémissements étaient les miaulements des chattes en chaleur. Ce soir, j’entends à nouveau ces miaulements. Il n’ y a aucun bébé abandonné dans le jardin, l’air est doux, deux chats sont immobiles face à face au pied du lilas. Il y a si longtemps que je n’ai pas entendu ces miaulements de printemps.
À la page vingt deux:
Un homme et une femme se dispute sur le balcon d’un immeuble voisin, j’ai peur que l’un des deux ne bascule dans le vide.
À la page trente deux:
Il ne pleut toujours pas. Le parfum de l’air a changé.
À la page quarante deux:
C’est samedi, j’ai appelé ma mère, elle se buvait un petit Whisky. Elle est toujours vivante, elle a quatre vingt quinze ans.
À la page cinquante deux:
Le voisin repeint ses volets. Ses enfants l’aident, trois petits qui mettent de la peinture partout.
Le pépiement de ces enfants est un baume quotidien comme l’est le chant des oiseaux.
À la page soixante deux:
Je constate que j’écris sur chaque page dont le nombre finit par le chiffre deux. La batterie de mon téléphone est épuisée.
À la page soixante douze:
Jamais je n’ai vu autant de mouches, moucherons, abeilles, guêpes, bourdons et autre insectes volants dans le jardin. J’entends la sirène d’une ambulance.
À la page quatre vingt deux:
Je suis en colère.
À la page quatre vingt douze:
Un pétale tombe à mes pieds, j’entends chanter un rouge gorge, je tourne la tête, je vois l’oiseau, je vois la lune, c’est une belle journée.
À la page cent deux:
Je n’entends plus les enfants. Je ne me lève plus pour pisser.
À la page cent douze:
Il y a une termitière au centre du jardin. C’est étrange.
À la page cent vingt deux:
Les feuilles de l’érables sont rouges vif. Un avion est passé.
À la page cent trente deux:
Je crois qu’un oiseau a fait son nid sur ma tête. Je me demande si c’est un rouge gorge ou une mésange.
...
Excellent !
RépondreSupprimerJe vais me servir de ton texte pour compter de deux en deux dans ma classe virtuelle.
Continuité pédagogique, ont-ils dit, tous les moyens sont bons du moment que l'on se dém....
The magnolia flowers are reaching for the moon... Your words make me think of someone who experiences but does not ... do. Another very thoughtful and thought provoking post.
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