mercredi 21 décembre 2022


Rouler les mots

(D 2009, Pessat-Villeneuve, Puy-de-Dôme, 11 décembre, 10h)

Chaque jour j’aligne quelques mots  comme, enfant, je faisais rouler mes petites voitures sur des routes inventées entre les racines apparentes des grands arbres ou sur les joints de ciment entre les dalles rouges de jardin. J’aligne quelques mots sans savoir où ils me mèneront, je les fais rouler dans le paysage, qu’il soit neuf ou mille fois traversé, la main ferme parfois, d’autre fois hésitante. Ils ont la couleur du jour, celle d’un champ de bataille, celle des joues du gamin qui ânonne ses premières phrases, celle d’un regard croisé sur un trottoir gelé, celle de la pluie qui tape, celle d’un lever de soleil, d’une nuit trop noire, d’un champ labouré, du manteau de Sophie, ou encore une couleur qui n’existe pas, un mélange de couleurs pour laquelle le français n’a pas de mot. 

Je rangeais mes voitures dans une petite valise rouge en simili cuir, comme la couverture d’un vieux livre. Il y a des jours où je ne les faisais pas rouler, je me contentais de les regarder.

Il ya des mots que je regarde, que je prononce, seulement pour leur beauté. Le sens viendra après, surprenant parfois.

Chaque jour je fais rouler quelques mots sur la page et sur la langue. Qu’ils soient sombres ou clairs, la joie est enfantine. 

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