vendredi 31 janvier 2025


Un fil


(Forêt de Coatlhoc’h, Finistère, 12 novembre 2024, 14h  55)


Quelqu’un tourne les pages d’un livre

Ça fait chchch…

La pluie sur les carreaux floute le dehors

Je tire un fil de mon vêtement

Je tire, comme  celui qui gratte

Méthodiquement

Je tire, je tire, jusqu’à me trouver nu

Le fil fait un tas à mes pieds

Un tas de spaghettis

Ce qui surgit alors de la fenêtre fermée

C’est l’esprit de la forêt

Il entre comme chez lui

Prend la place, les pieds sur la table

Et bouffe les spaghettis


jeudi 30 janvier 2025


Une porte pour s'échapper

(Artzuportu, au pied du Jaiskibel, Pays Basque sud,16 décembre 2024,14h 25)


Des platanes et quelques bambous

Dans le ruisseau qui va à la mer

La pierre est noire, l’eau est claire

C’est au fond d’un vallon où je viens souvent

Artzuportu, au pied du Jaiskibel

Une porte pour s’échapper

mercredi 29 janvier 2025

 

Histoires drôles

(Vaucresson, 27 janvier,11h 15)

Il aime raconter des histoires, des histoires drôles. Que ce soient  ses collègues, sa famille, ses compagnons de comptoir, rares sont ceux qui rient. Alors il les racontent aux perruches et aux pies qui se disputent la place sur le vieux cerisier devant sa fenêtre. Leurs jacassements qui sonnent comme des éclats de rire lui donnent raison, ses histoires sont drôles. Alors il persiste.

mardi 28 janvier 2025

 

Mikado

(Étang des Flambertins, Yvelines, 27 janvier, 16h 05)

Jouer au Mikado les pieds dans l’eau

lundi 27 janvier 2025

 

Une petite rivière


(Forêt des Flambertins, Yvelines, 15h 35)


La rumeur court en haut des grands arbres

Un tronc tortueux fait la nique à ceux qui s’élèvent sans détours

Sur l’étang la risée fait valser les reflets

Le vent taquine la forêt des Flambertins

Mes bottes aspirées par la terre détrempée couinent de plaisir

L’écorce d’un bouleau à moitié mort se décolle en masques rituels

Une feuille en sursis se cambre entre ciel et terre

Trois grands chiens courent sur le chemin

Je vais solitaire dans les bois d’hiver 

Une petite rivière coule dans mes veines

Je ne sais pas si elle va du dedans vers le dehors

Ou du dehors vers le dedans

dimanche 26 janvier 2025

 

Miniatures éphémères

(Hendaye, 12 décembre 2024, 10h 45)

La traversée du désert

samedi 25 janvier 2025

 

Un collier de perles

(Scaër, Finistère, 12 novembre 2024, 10h 30)

Pour honorer les morts la nuit portait un collier de perles

Au matin, chassée par un jour vigoureux, son collier s’est rompu

Eclaboussant de perles les allées du cimetière

vendredi 24 janvier 2025


L'épouvantail

(Vaucresson, 30 novembre 2024, 14h 55)

J’ai descendu dans mon jardin pour y cueillir du romarin

Y ‘a l’épouvantail qu’a la tête de côté et la goutte au nez

Dépité comme un suicidé

Ça fait des jours qu’il pleut et qu’l’air est vicié

Faut l’consoler avant qu’il s’écroule

L’consoler et l’rafistoler à coup de beauté 

jeudi 23 janvier 2025

 

Patientes fleurs de lotus

(Hendaye, 5 janvier, 11h 05)

Patientes fleurs de lotus

Sur l’onde frissonnante

De quoi sera fait le vent?

mercredi 22 janvier 2025

 

L'hiver est doux à Saint-Cucufa

(Bois de Saint-Cucufa, 21 janvier,16h 35)

Sur l’étang, la glace fond,  la  forêt se  trouble, quelques foulques paressent. L’hiver est doux à Saint-Cucufa, si ce n’est cet enfant qui  marche au pas de l’oie sur le chemin en hurlant un deux un deux, un bâton sur l’épaule, sous l’œil attendri de son père.

mardi 21 janvier 2025


Le Daguet

 (Bois de la Noue, Montfort-l’Amaury, Yvelines, 18 janvier 2024, 15h 35)

Lune du Loup

Première lune de l’année

Le froid mord, les loups hurlent fort

Je ne les crains pas

J’ai encore mes bois

Je saute plus haut que les blés murs

Mon galop est une envolée

Lune du loup

Je vais sur la terre gelée

La glace craque

Les fougères se froissent

Un nuage, mon souffle me précède

Les arbres se tendent vers la lune

Les ornières en récoltent quelques éclats

Lune du loup

Je vais en paix

À la lisière, je franchis le fossé

La route sonne sous mes sabots

Soudain pris dans les phares d’une voiture pressée

Je me fige

Crissements, le choc est violent, mes flancs brulent

Lune du loup

Je gis sur le bitume

Le sang fait fondre le givre

Le métal claque sous la  lune

Un homme s’approche, pose sa main sur mon cou

Il pleure

Je voudrais lui dire

Ce n’est rien, n’aie pas peur

Le jour va se lever

lundi 20 janvier 2025

 

La fille au bonnet rouge

Une aventure de Rick Delaveine, surfeur et batteur de jazz de renommée internationale

(Hendaye, 17 décembre 2024, 8h 30)


Rick s’était réveillé brusquement avec une terrible envie de pisser et une érection douloureuse. Il rêvait qu’il survolait la cordillères des Andes dans un biplace Cessna 152 aux flancs jaunes piloté par une fille au  casque posé sur un bonnet rouge. L’avion tanguait dans la tempête, la fille chantait Lili Marleen, et les cimes se rapprochaient dangereusement. À l’instant où l’avion allait s’écraser contre un mur noir strié de neige, la fille s’est tournée vers Rick, a dit quelque chose en riant et Rick s’est réveillé, un peu sonné. Il est allé pisser fissa en essayant  de se souvenir de ce qu’avait dit la fille. Rien ne venait. Une fois sa vessie vidée peut-être? On ne peut pas pisser et penser à tout autre chose en même temps, surtout quand l’âge venant la miction se fait plus difficile. Il faut faire le vide, c’est alors que vient ce qu’on n’attend plus. Faire le vide. Le voilà soulagé, il tire la chasse qui fait un raffut d’enfer, elle porte bien son nom, Cataracte, le nom de la marque. Ça y est, c’est parti, le voilà qui pense à tout vent, il revoit cette cascade de l’île de la Réunion qui tombait de très haut dans une vasque aux eaux claires, un roulement continu de caisse clair qui résonnait dans la montagne. Faire le vide. Il a pissé, mais il n’a pas les mots de la fille, juste le son de sa voix, une voix grave. Il s’en fout de la cascade, c’était il y a longtemps, quand il pouvait courir douze heures sur les hauteurs sans faire de pause, ce qu’il veut savoir c’est ce qu’a dit la fille avant le crash. Le crash? Peut-être que l’avion ne s’est pas crashé, après tout il n’en sait rien, il s’est réveillé juste avant. 

Il était encore tôt. Il s’est habillé, il a enfilé son blouson de cuir, un blouson d’aviateur, et il est allé voir la mer. Ou plutôt le ciel. Il savait à l’oreille, sa fenêtre ouverte, que la mer était calme ce matin là, pas de vague, pas de surf. Lui, ce n’était pas sûr qu’il n’en fasse pas des vagues, cette fille dont il cherchait en vain les mots  l’avait retourné, elle trottait dans sa tête comme un rythme de tablas, pas de mots, seulement des onomatopées. 

Une mer calme donc, il trouverait son inspiration dans le ciel, un ciel pastel. Les pieds sur terre et la tête en l’air, avec une fille au bonnet rouge dedans.

Et paf! Il n’y a qu’à lui que ça arrive ces trucs là. Il y a une fille avec un bonnet rouge en bas de l’escalier qui descend sur la plage. Elle n’a pas de casque d’aviateur, mais elle a un bonnet rouge. Il se rappelle qu’il y a quelques jours il a vu dans un musée la photo d’un avion allemand crashé sur la plage d’Hendaye pendant la dernière guerre. Il regarde la fille, sans bouger, le palpitant en accéléré. Il descend. Une mouette passe en criant. La fille se retourne.


  • Bonjour. Elle a la voix grave, un léger accent, allemand peut-être, une mèche blonde, bouclée,  dépasse de son bonnet.
  • Bonjour. Beau ciel, n’est-ce pas? Ce sera une belle journée.
  • Oui. Je lis l’avenir sur le sable à marée basse, c’est mon marc de café, je lis dans les rigoles, dans les îlots, dans les reflets, dans la laisse de mer, je lis l’avenir à marée basse.
  • Et qu’avez vous lu ce matin, si ce n’est pas indiscret?
  • Oh, non, ce n’est pas indiscret! Elle éclate de rire, un rire franc et grave. J’y ai vu du bon et du mauvais, comme souvent, j’ai vu des nations qui se refermaient comme des poings, j’ai vu un avion dans la neige avec un gars qui chantait Lili Marleen pour se réchauffer, j’ai vu un tableau de Miro rescapé d’un musée incendié, j’ai vu la marée haute plus haute que prévue et du lierre grimper sur la Tour Eiffel, mais surtout j’ai lu dans les reflets que ce matin à 8h30 j’allais rencontrer quelqu’un.
  • Rick regarde sa montre. Il est huit heures trente!


Et soudain il y a cette phrase qui claque comme un magnifique contretemps, cette phrase qu’il cherche depuis ce matin, ce qu’a dit la fille au bonnet rouge avec un casque d’aviateur alors que dans la neige tourbillonnante leur avion semblait aimanté par les hautes parois rocheuses: Il est huit heure trente et nous sommes là!



(Cité des mémoires, Hendaye, 3 janvier, 16h 35)

dimanche 19 janvier 2025

 

Miniatures éphémères

(Villers-devant-Orval,  Belgique, 16 juillet 2021, 17h 55)

Conversation

samedi 18 janvier 2025

 

Turlutte

(Cité des mémoires, Hendaye, 3 janvier,16h 05)


Il y a quelques années nous avions un conseiller bancaire nommé John Turlutte. Je l’écoutais d’une oreille distraite.

Dans les eaux basques, c’est à la turlutte que l’on pêche le chipiron. Cuisiné à l’encre, c’est l’un de mes plats préférés.

Turlututu chapeau pointu, comptine enfantine dont l’origine est une chanson légère de goguette qui conte les aventures d’un fifre et son instrument avec une cantinière et sa cantine, Rlututu chapeau pointu ou le Fifre Galant.

La Turlutte pratiquée dans les contre-allées des avenues chics et les fourrés du bois de Boulogne.

Et l’alouette turlutte. Alouette, gentille alouette, alouette, je te plumerai….

Décidément ce mot me réjouit.

vendredi 17 janvier 2025


Un leurre

(Saint-Cloud, 16 janvier, 22h 45)


Les phares tenus autrefois par des taiseux solitaires gardaient les navires loin des récifs.

Celui qui tourne au sommet de la Tour Eiffel est un leurre.


jeudi 16 janvier 2025


Les mirages de nos échappées


(Hendaye, 12 décembre 2024, 10h 55)


À Hendaye l’hiver travaille

Le sable s’enfuit

Des créatures quittent les profondeurs

Les ramasseurs d’algues rouges s’attardent

Restent les pas des chiens et des oiseaux

Et les mirages de nos échappées

mercredi 15 janvier 2025


"Mémoires d'un escargot"

(Forêt de Coatlhoc’h, Finistère, 12 novembre 2024, 14h 40)

Après avoir vu l’absolument réjouissant film d’Adam Elliot, Mémoires d’un Escargot, je cherche dans mes archives une photo d’escargot. J’en ai une flopée j’ai un faible moi aussi pour ces petites bêtes. Ce sera pourtant la photo d’un arbre que je choisirai, j’en ai aussi une flopée. Un arbre étreint par le lierre, un arbre solitaire étreint par le lierre. Ce film étreint la tristesse, il la transmue. Les personnages sont en patte à modeler et c’est si beau quand ils se touchent. L’humanité est là toute entière dans deux bras qui se touchent sur les quelles deux cicatrices se rejoignent pour dessiner un sourire. 

mardi 14 janvier 2025

 

Albatros

(Marnes-la-Coquette, 17h 10)

Je suis allé prendre des nouvelles  du vieux platane du parc Lafayette.

Il m’a confié que l’âge aidant, il se rêvait parfois albatros.

lundi 13 janvier 2025

 

Brouillard

(D 913, Socoa, 8h 20)

Il y a un gars en jaune qui court sur la route, un chat qui file en travers, quelques manechs tête noire figées dans l’herbe humide et la montagne à contre-jour. Je ralentis. J’ai attendu le lever du jour pour partir, l’aube m’ensoleille. Je ralentis. Le gars me salue, le chat disparaît, les brebis me regarde passer. Au bout de la ligne, un virage et soudain le brouillard. Tout devient blanc, opaque, les repères fondent, le doute grandit puis quelques centaines de mètres plus loin le jour, à nouveau, clair. Est-ce ainsi quand on commence à perdre la tête?

dimanche 12 janvier 2025

samedi 11 janvier 2025

 

Courir sur les crêtes d'un monde en feu

(Hendaye, 8 janvier, 9h 40)


Je me souviens avoir vu un homme courir nus pieds sur des braises ardentes. C’était lors d’une cérémonie tamoule à La Réunion il y a une trentaine d’année.

Je me souviens d’Islam Dzugum, l’homme au survêtement grenat qui courait dans la guerre pour ne pas désespérer (dans « L’Air de la Guerre » de Jean Hatzfeld). Une jeune fille lisait ces pages qui décrivent la course d’Islam Dzugum dans un spectacle que j’avais monté avec des Lycéens à Gueret dans les années 90. Cette jeune fille disait qu’elle faisait du théâtre « parce qu’elle en avait gros ».

Aujourd’hui je vois un homme courir sur les crêtes d’un  monde en feu.