jeudi 31 mars 2016


En Chier...


Joseph aime bien venir là le soir, au milieu des épaves. Ça sent la vase et la rouille. Il s’assoit sur la pierre  et regarde l’eau couler.
Il vient de Cruejouls, dans l’Aveyron. Il a travaillé aux houillères jusqu’à leur fermeture, en 1988. Dès  l’adolescence l’épreuve fut son bonheur. Il fallait trimer, le corps avait soif d’efforts. Quand les puits ont été condamnés, très vite le manque est venu.
Alors il a traversé l’atlantique et a débarqué en Guyane, pour l’or, et le bois. À nouveau il a trimé et son corps est devenu dur comme le Wacapou, un bois fréquent autour de Sinnamary où il a séjourné quelques temps.
Ses muscles durcissaient tandis que sa pensée s’allégeait, le mouvement était sa nourriture.
Puis il a vieilli, les articulations se sont rouillées. Cela a commencé par les doigts, ensuite les poignets et les chevilles. Bientôt on n'a plus voulu de lui en forêt et sur les chantiers.
Maintenant, le soir il vient là. Il passe d’abord chercher le poisson que Luis lui met chaque jour de coté pour son diner et il vient s’asseoir ici jusqu’à ce que la nuit et les moustiques le chasse.
Et là au bord du grand fleuve, un goût de métal dans la bouche, il se souvient combien il aimait en chier…

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