mercredi 16 mars 2016


"Je suis une mouche..."


On l’appelle Johnny Walker à cause de son goût immodéré pour le Whisky. Il a piloté des Canadairs au dessus des forêts de chênes- lièges, des avions épandeurs au dessus des rizières et survolé l’Alaska en Cessna C208 Caravan.
Il s’est arrêté ici, sur les bord de la Mana, à cause d’une brésilienne aux jambes interminables, à cause des fleuves naissant au fin fond de la brousse,  et à cause de la jungle mangeuse d’hommes.
Lors de sa première marche  en forêt, il eut la sensation de retourner dans le ventre de sa mère et il sut que plus jamais il ne pourrait se défaire de ce parfum de végétation en décomposition.
Ici, il se sent minuscule et terriblement vivant.
A soixante ans, il a claqué toutes ses économies pour une baraque de bois et de tôle au bord du fleuve, et pour ce petit avion, un cadeau pour Tina, sa brésilienne aux méandres vertigineuses.
Ils survoleront les rivières, caresseront la canopée et iront  là où elle voudra.
Il se tient là, hors champ, sur le pas de sa porte, les jambes légèrement écartées, torse nu, une tasse de café allongé au whisky dans une main, une Camel sans filtre dans l’autre. Il est grand, la moustache jaunie par la nicotine, les yeux clairs, une cicatrice sur la pommette droite.
Tina dort encore, bouleversante sous la moustiquaire.
Il regarde son avion, contemple son nouveau terrain de jeu en chantonnant: « je suis une mouche, posée sur sa bouche… »

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