vendredi 8 décembre 2017


Paysan


(Normandie, sur l’A84 entre Avranches et Villedieu-les-Poêles, 20 novembre)

Parcourant la campagne avant l’hiver, souvent, je vois ces hommes seuls qui marchent à pas lents sur leur terre. Ils ont garé leur fourgonnette blanche, sale, en bordure du champ. Ils portent des bottes de caoutchouc, des combinaisons vertes et parfois tiennent un bâton. Ils observent le terrain, s’agenouillent, ramassent une poignée de terre, ils vont sur un autre rythme que les voitures qui filent sur la route.
Je pense à Joseph. Lui ne possédait pas sa terre. La ferme se trouvait dans un petit village d’Ariège. Joseph n’a jamais porté de combinaison de travail, il était vêtu d’un maillot de corps, une chemise à carreaux en flanelle, une veste bleu-gris délavée, et un béret noir. Il n’y a que les dimanches où il était vêtu différemment.  Quand il trayait les vaches, à la main, il chaussait des sabots de bois avant  d’entrer dans l’étable. Les seules concessions qu’il fit à la modernité furent une voiture, un pick-up 203 qu’il gardera toute sa vie, et un tracteur. Quand on l’interrogeait sur sa façon de faire, il disait je fais comme ça parce que mon père faisait comme ça.
Avec sa femme Alice, ils n’ont pas eu d’enfant. La ferme a tout simplement cessé de vivre, comme beaucoup. Le village est maintenant un village sans bouse sur les routes, sans mouches, sans poules, sans chiens errants.

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