mardi 17 mars 2020


Un baobab sur la tête


(Sur la N4 entre Koupéla et Ouagadougou, Burkina, 21 décembre 2019))

Hier soir, le lit était froid comme la pierre et les draps lourds. Il a fallu du temps pour réchauffer la nuit.
Au matin j’avais un baobab sur la tête.
C’est un peu gênant, je n’ai pas de chapeau assez grand et la porte est devenue bien trop étroite.
Je reste confiné, il finira bien par rétrécir.
Je ne ressens aucune douleur, plutôt même une certaine douceur, celle du bois lisse, de l’eau qui coule, des cailloux qui roulent, des graines qui voyagent, des fleurs qui s’ouvrent.
Ça me gratte un peu. Je n’ai  plus de cheveux sur le dessus, maintenant un baobab, ça me va plutôt bien. J’ai connu une reine qui  avait sur la tête une jachère fleurie. Je me rappelle l’avoir embrassée plusieurs fois, mais c’était il y a longtemps.
Je ne sais pas trop quoi faire.
Et puis j’entends des voix. Elles viennent du bois, elles me parlent de la fourmi et du scarabée, elles me parlent du ciel qui se retient, du sable qui vole, elles me parlent de l’oncle Pierre, de l’oncle Aristide, de la petite Margot et de mamie Jacqueline, elles me parlent de la grippe espagnole, de la montagne qui crache, de la forêt qui brûle, elles me parlent du cou de la girafe, de la trompe de l’éléphant, du pas de la chenille, de l’enfant qui naît, de la douleur de la mère et de la joie de la mère.
Quand j’ouvre la fenêtre l’arbre bouge un peu dans le courant d’air.
Je ne sais pas quand je pourrai sortir, je ne sais pas comment demain je serai.
Il ne faudrait pas une tulipe sur le nez, ça me ferait loucher. À la rigueur de la fougère aux pieds et des anémones aux oreilles feraient un bel ensemble.
Mais, mes amis, le jour où je sortirai, j’en aurai des choses à raconter.



(Vers Zoangpighin, Burkina, 21 décembre 2019)

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