mardi 6 octobre 2020

 

Outsiders

(Le Tréport, Seine-Maritime, 30 septembre, 16h 50)


Samy et Déborah sont ensemble. C’est comme ça qu’on dit. 

Un jour Samy a pris deux galets, il  les a fait rouler l’un vers l’autre, puis il les a frottés en regardant Déborah dans les yeux.

« Est ce que tu veux qu’on se mettent ensemble? » C’est ce que disait Samy. Déborah n’entend pas, ne parle pas. Elle a pris les galets, les a frottés à son tour et les a mis dans sa poche. «oui.»

Samy a 14 ans, Déborah 15. Ils habitent aux Terrasses. C’est en haut, sur la falaise, là où le vent souffle le plus. C’est à sa façon d’offrir son visage au vent que Samy a remarqué Déborah.

Maintenant ils sont ensemble. Ses potes disent avec mépris qu’il est avec la sourde, la muette.

Il leur répond qu’elle lui parle avec ses mains sur sa peau, alors ils se taisent.

Quand il est avec Déborah, Samy danse. Il danse tout le temps, pour raconter. Il danse le roulement du tonnerre, il danse le ressac sur les galets, il danse le crépitement de la pluie, le cri des mouettes, les aboiements du chien, la sirène des flics, les gueulantes du père, il danse le rire de Déborah.

Le mercredi après midi, ils descendent à la plage et se posent sur le banc mauve pour regarder des films sur la tablette de Déborah. C’est étrange, ce banc est celui qui est le plus souvent libre, comme si cette couleur n’attirait que de rares personnes. Déborah s’habille souvent en mauve.

Ils s’assoient côte à côte, serrés l’un contre l’autre, ils se recouvrent la tête d’un plaid ou d’une grande serviette pour protéger l’écran des reflets du soleil, et il regarde le film.

C’est toujours Déborah qui choisit. Avec ses potes Samy ne connait que Youtube, et chez lui la télé diffuse en permanence le sport ou les courses de chevaux. Quand il regarde des films en famille ou entre copains ça gueule de partout. Avec Déborah c’est tranquille, elle ne parle pas, et même si, elle ne dirait rien. Ils regardent en silence, ensemble.

Aujourd’hui  elle a choisi un film de Francis Ford Coppola, Outsiders. C’est mieux pour elle les films sous titrés. C’est un film où il y a plein de beaux gosses qui se bagarrent et qui chialent sur fond de soleil couchant. Elle l’a déjà vu. Elle veut que Samy le voit, le Samy des Terrasses toujours à la ramasse derrières ses potes qui roulent des mécaniques.

Déborah préfère les hommes qui pleurent aux hommes qui cognent.

1 commentaire:

  1. A happy/sad story, but one with lots of love. I've got to have subtitles on many modern films-- too much whispering and mumbling. But it also shows me that I only need the subtitles to confirm what I think the actors are trying to tell me.

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