À perte de vue
(Forêt de Rambouillet, 5 février, 13h 20)
À perte de vue, la joie de l’inconnu, quelques pensées sur la mort.
Jean-Claude Carrière, auteur, dramaturge et scénariste s’est éteint à 89 ans dans son sommeil. Il n’était pas malade, la vie a cessé, simplement. J’appréciais et respectais beaucoup cet homme.
En 1977 nous étions quelques jeunes comédiens qui partagions nos rêves et nos projets sur les marches du théâtre des Bouffes du Nord où nous travaillions comme ouvreurs. J.C. Carrière, fidèle complice de Peter Brook, le maître des lieux, venait parfois nous rejoindre, participait à nos discussions, nous proposa même la grange de sa maison de campagne comme lieu de répétition.
Plus tard, je le croisai à deux ou trois reprises, il était toujours simple et chaleureux, lui qui côtoyait les « plus grands ». Certains de ses livres, de ses films, m’ont accompagné.
Il s’est éteint et je n’ai pas de peine. Il s’est éteint simplement, avec élégance, laissant la joie d’une œuvre immense. J’imagine son regard brillant d’une insatiable curiosité face au dernier grand mystère. Je n’ai pas de peine mais un grand respect pour l’homme de connaissance, qui disait qu’il ne peut y avoir écriture sans question. La danse de la pensée comble la peine.
Si la mort n’était qu’un changement d’état, pas une disparition, juste un changement d’état? C’est ce que nous nous disions hier avec Cathy. Cathy a travaillé trente ans comme caissière au cinéma Saint-André des Arts. Elle accueillait les gens à la frontière entre l’extérieur et l’intérieur, je ne sais d’ailleurs pas quoi du dehors ou de la salle obscure était vraiment l’extérieur. Cathy a sans doute vendu un jour des tickets pour un film de Bunuel, scénarisé par J.C. Carrière.
Le compagnon de Cathy, José, s’est éteint au printemps dernier. Cathy et José sont de très vieux amis, nous avions fait un film avec José dans les années 80. Nous imaginions faire une suite de ce film trente ans plus tard, le même personnage trente ans plus tard. José était lui aussi d’une insatiable curiosité, touche à tout, musicien, cinéaste, utilisant avec gourmandise toutes les nouvelles technologies à sa disposition. Sa mort nous a beaucoup peinés, d’autant plus que nous étions en pleine pandémie, éloignés les uns des autres.
Hier, nous voyions Cathy pour la première fois depuis la disparition de José. La journée fut très joyeuse, c’était si bon de se retrouver. Nous avions cette sensation, très concrète, que José était avec nous, il n’avait pas disparu, il était là quelque part, ailleurs, mais pas loin, dans un autre état…
Est ce cette question que je pose régulièrement au bout de ces routes fascinantes qui se perdent au lointain?
La question elle même est source de vie. À perte de vue.
As I get older (and older still) the number of my friends and family continue to dwindle. I know what you are saying in this though, though. Sometimes when I am looking at a picture, or a car, or a record, or... An old friend is still there.
RépondreSupprimer