mercredi 24 février 2021


Le grutier

(Hendaye, 19h 55)

Ce soir, je ne descends pas, c’est comme ça.

À 17h 30 la sirène du chantier sonne. En bas on ôte les casques, on range les outils. 

Je mets la grue en girouette, mais je reste là haut.

Plus personne après 18h,  c’est la consigne. Chacun chez soi quand le soleil se couche, quand la lune paraît, quand la mer et le ciel s’embrasent.

La flèche est au nord, vent du sud, offshore, le vent qui échauffe les esprits et creuse les vagues.

Je ne descends pas. Personne ne s’en aperçoit.

Je vois la mer, le ciel, les montagnes, la lune, un nuage rouge, un tout petit nuage égaré, il est immobile et pourtant le vent souffle, il ne sait plus où aller, de quoi il est fait. Laisse toi porter petit nuage, ce n’est pas toi tout seul qui décide de ton sort.

Il est bientôt 20 heures, je n’ai pas bougé, je regarde, c’est beau ce moment, quand la nuit prend sa place, cale sa tête noire sur mon épaule.

Les rues sont désertes. Une fenêtre est allumée, une femme secoue une nappe.

Ce serait  mon aimée. Elle me regarderait, minuscule là-haut dans la cabine, elle me ferait un signe, elle me dirait: ne t’en fais pas, reste tant que tu veux, tu me raconteras.

La lune est haute maintenant, au trois quart pleine. 

Il y a une autre grue un peu plus loin,  un autre chantier. Peut-être le grutier n’est-il lui aussi pas descendu. Et si aucun grutier ne voulait désormais redescendre. Nous serions les vigies de ce monde tremblant. 

Jusqu’à ce qu’une tempête trop violente abatte nos tours de fer.

La lune toujours plus haute et maintenant les étoiles. Je m’endors en  pensant à l’atterrissage de Persévérance sur Mars.

2 commentaires:

  1. Merci Pierre, il a de la chance ce grutier de ne pas avoir le vertige, cela doit en effet être très beau vu d'en haut ! Belle journée Marie - Pierre

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  2. Another thoughtful tale of someone letting his imagination go free...

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