mardi 8 février 2022


Estrémadure

(Lagleyre, Landes, 25 janvier, 8h)

Il se tient droit sur la terre gelée, les mains dans les poches, le béret vissé sur le crâne.

Il attend que se lève le soleil. À chaque respiration s’échappe de sa bouche un nuage qu’il suit avec attention jusqu’à sa disparition. Il est là chaque matin que dieu fait, il fait partie du paysage, il fait corps avec cette terre au parfum de sable et de résine.

Pourtant cette terre n’est pas la sienne. Il vient d’ailleurs, plus au sud, chassé par les forces franquistes après avoir vu sa famille exterminée à Badajoz, en Estrémadure.

Estrémadure, un mot qu’il aime par-dessus tout, un mot qu’il étire avec délice quand il raconte son pays d’avant à ses enfants et ses petits enfants, un mot qu’il fait sonner comme  la rumeur d’un village à flanc de colline, comme un volet qui claque sur la pierre sèche. Il dit de son pays que c’est une fleur à épines. L’Estrémadure, la terre des conquistadors Fransisco Pizarro  et Hernán Cortés.

C’est ici à Lagleyre que la guerre l’a mené, un village comme un pied de nez. Il y a planté de nouvelles racines, en compagnie des pins. Il sait qu’elles ne sont pas profondes, alors il se tient droit, les jambes légèrement écartées pour résister aux mauvais vents.

Il se tient droit sous le ciel clair. La lune est encore là, le soleil arrive. 

Où que tu sois sur terre, le soleil est le même. La maison où il a grandi en Estrémadure regardait à l’est.

Alors il regarde à l’est le soleil qui vient. 

1 commentaire:

  1. There is so much more to Spain than I ever realized. "Spain is Spain", I thought-- I am learning, and I thank you for the gentle prods... Another great picture, by the way.

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