mercredi 22 juin 2022


La mer

(Flamanville, Manche, 1ier juin,10h 55)

Elle n’avait jamais vu la mer.

Elle ne connaissait que la rue d’Anjou à Paris.

De chez elle au numéro 4 à la blanchisserie au numéro 56.

Le jour de sa retraite elle a eu une prime.

Elle était contente. Elle n’avait jamais eu autant d’argent d’un coup.

Elle avait bien travaillé. Son patron était un homme bon.

Elle ignorait que cette prime était obligatoire.

Il lui avait dit: Il va falloir vous arrêter.

Ses mains, son dos douloureux, cette toux chronique… Elle avait dit oui.

Il lui avait dit: Qu’allez vous faire de tout ce temps?

Elle avait dit: J’irais voir la mer.

Elle a pris le train gare Saint-Lazare, à trois rues de chez elle.

Elle avait une petite valise simili cuir.

Elle avait un chapeau de plage comme on en fait plus.

Elle a regardé le paysage par la fenêtre pendant tout le trajet.

C’était bien plus vaste que le square Louis XVI à côté de chez elle.

Elle est descendu à Cherbourg, puis elle a pris un car pour Flamanville.

Elle avait trouvé dans la poche intérieur d’un costume qu’elle nettoyait tous les mois une photo de Flamanville.

C’était le costume d’un ingénieur très poli. 

Elle lui avait montré la photo, qu’elle trouvait très jolie.

Il avait dit: Gardez la. Bientôt vous ne me verrez plus, je pars travailler là bas, à la centrale.

Elle avait accroché la photo sur le placard où était rangé la valise.

À Flamanville, elle a pris une chambre à l’Auberge du Sémaphore

La patronne était très polie, aussi.

Elle lui a dit: Prenez la 56, face à la mer. C’est la plus agréable.

Voyez-vous madame, quand j’ai ouvert l’hôtel, les chambres n’était pas numérotées. j’ai demandé aux premiers clients de leur choisir un numéro. C’est un ingénieur de la centrale, fort bien d’ailleurs, et particulièrement poli, qui lui a donné le 56.

Si vous avez besoin de quoi que soit n’hésitez pas.

Elle a répondu: Merci beaucoup, j’ai seulement besoin de regarder la mer.

La chambre était grande, lumineuse. Aux murs il y avait du papier à fleurs, au dessus du lit, un tableau avec un cheval sauvage qui galopait sur une plage, un cheval blanc.

Elle a fermé la porte à clé, elle a ouvert grand la fenêtre, elle a poussé une chaise devant la fenêtre, et elle s’est assise, face à la mer.

Ses cheveux sont devenus blancs, d’un coup.


 

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