Le Jaiskibel
(Route de la Corniche, entre Hendaye et Socoa, 19h 15)
Ce fut une journée à oublier au fond d’un seau à charbon.
La nuit n’est pas mieux, un calamar géant a mangé la lune et craché toute son encre.
Rick tâtonne à peine pour glisser la clef dans la serrure. Il a l’habitude.
Il pourrait rentrer chez lui les yeux fermés, même bourré.
Noire, noire, la ville est noire. Premières restrictions d’énergie.
Rick tourne la clef, un léger clic, à peine audible, une histoire qui commencerait en catimini.
Il ne bouge pas, la main sur la poignée. Il écoute. Tout le monde dort à cette heure ci. Sauf les chats, et les rats. Est-il plutôt chat ou plutôt rat? Personne pour lui répondre ce soir.
Il attend, il guette, une pensée, une rencontre, un souvenir, des retrouvailles, une musique…
Il ne sait pas ce qu’il guette. La journée entière il est resté à l’affût sans rien faire. Un chasseur qui ne sait pas ce qu’il chasse.
Personne ne l’attend derrière la porte et pourtant…
Il ouvre, la porte glisse, en silence. Il tend la main vers l’interrupteur à gauche de la porte. Il le trouve immédiatement. Il a dans la tête le dessin millimétré de son appartement. Il faudra faire deux pas sur la droite pour trouver le porte-manteau.
Il allume la lumière et s’arrête net. Au bord d’une falaise. Le dehors est dedans, le soleil se couche à peine, le ciel est clair, parsemé de quelques éclats de nuages, quelques idées noires qui se perdent, et au fond, étendu comme un chat, le Jaiskibel, son paysage, son jardin.
Rick est sonné.
Dehors la nuit est toujours aussi noire et chez lui le soleil se couche.
Il referme délicatement la porte et s’assoit sur le canapé face à la mer.
Il attend que chez lui s’éteigne le jour avant d’aller dormir.
Loss and loneliness... Beautifully written.
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