Au Mont Urgull
Chaque jour Rosa monte au sommet du mont Urgull . Elle marche à petit pas, économise son souffle. Dans son cabas à carreaux il y a une bouteille d’eau et une grosse boite de croquettes pour chat. Il y a là haut deux pierres creuses qui offre un receptacle parfait au repas d’une bande de chats roux qui attendent Rosa avec impatience. Quand elle passe sous l’immense Christ de pierre, elle fait une pause. Là, elle se signe, puis , à voix basse elle confesse avec jubilation tous les péchés qu’elle aurait bien aimé commettre. Aujourd’hui le temps est radieux et ses envies sont nombreuses, les chats devront attendre.
« Salut à toi qui veille sur nous. Aujourd’hui, j’aurais aimé sentir le sexe de père Alfonso gonfler sous mes doigts, pousser Yolanda dans le vieux port, accueillir entre mes jambes les jumeaux Patxi et Xabi, chier dans les poches des frères Etchepare, manger dix religieuses au café et siffler une bouteille de Manzana, courir nue sur la Concha et sucer Mario Casas, j’aurais aimé dire merde à ma fille, cracher sur la tombe de ma mère, égorger le roi, pisser debout sur ton cou, et faire sauter les banques, j’aurais aimé rouler en trombe avenue de la Liberté, insulter la garde civile, écraser les vieux et danser place de la Constitution avec San Pantzar, j’aurais aimé sentir le vin, l’homme et la poudre, j’aurais aimer brandir mon cul en étendard, j’aurais aimé couvrir la ville de mon corps, inonder les rues et affoler le monde. »
Elle a resserré son manteau, et après quelques secondes de silence a prononcé ces derniers mots: « Je crois que ce sera tout pour aujourd’hui. Salut à toi et sans rancune. »
Puis elle a tranquillement repris son chemin. En haut les chats l’attendaient, elle les a caressés tendrement, s’excusant de son retard, elle a versé les croquettes dans les creux du rocher et a regardé les chats se régaler. Enfin elle a fait demi tour et est redescendue en chantonnant « Borriquito ».
Au pied de son immeuble elle a salué Patxi et Xabi qui réparaient un scooter, et a fait un petit signe à Yolanda qui arrosait ses plantes à la fenêtre. Elle a remonté ses trois étages, ôté son manteau et ses souliers et s’est assise dans son fauteuil, fourbue.
(Saint-Sébastien, 15 février)
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