Derrière le Magnolia en fleur
Aux alentours de midi, je flâne dans les rues d’Aire-sur-l'Adour. Les boutiques sont fermées, il y a peu de monde, le ciel est gris. Après avoir bu un café à l’Atura, je prends la rue Gambetta puis reviens par la rue Carnot. Je pense à l’improbité de certaines personnalités politiques que l’on entend beaucoup en ce moment. Puisse aucune rue ne porter leur nom. La ville me semble atone, pâle, rien ne chasse les pensées qui tournent en boucle, le choix est mince, le danger est grand même s’il n’est pas question de céder à la peur. Mes rêves ont la texture d’une aile de papillon.
Mais voilà qu’un homme me ramène à l’instant présent, un SDF assis sur un banc, trois gros sacs posés à ses pieds. Il a les cheveux blancs, longs, les joues creuses et les lèvres rentrées. Mais ce qui retient surtout mon attention, c’est son doigt, un index épais à l’ongle rongé qui lentement, très lentement parcourt la page jaunie d’un vieux livre de poche. L’homme lit, et je perçois dans le mouvement du doigt autant la difficulté à déchiffrer que le bonheur de la lecture. Je voudrais m’arrêter, lui demander ce qu’il lit, ce qu’il aime lire, lui parler du dernier livre que j’ai lu, Le bureau des jardins et des étangs de Didier Decoin, mais je n’ose pas, je passe, je ralentis le pas, mais je passe.
Après avoir traversé la place, avant de poursuivre ma promenade sur les berges de l’Adour, je me retourne, obnubilé par la délicatesse de ce doigt sur la page. Je ne vois plus l’homme. Et pourtant il est toujours là sur son banc, juste derrière ce jeune Magnolia en fleur.
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