Sur le Balcon
De son balcon, la jeune femme observe la porte de bois, espérant enfin voir un homme entrer ou sortir. Elle habite Rome, sur les hauteurs du Trastevere depuis quatre ans. Sa mission à l’ambassade va prendre fin. Dans quelques jours elle regagnera la France.
Depuis quatre ans elle regarde cette maison. Quelque chose l’attire, il lui semble que ne peut vivre ici qu’un être hors du commun. Elle n’a jamais vu quiconque entrer ou sortir. Elle connait tout le quartier et tout le quartier la connait. Souvent elle prend son petit déjeuner dans une pâtisserie réputée où se retrouvent ses voisins. Elle tente bien quelques questions, mais chaque fois on change de conversation.
Et jamais elle n’osera frapper à cette porte.
Une seule fois, une nuit d’été où il faisait si chaud qu’incapable de trouver le sommeil, elle était restée longtemps sur son balcon après minuit, elle avait vu une ombre apparaitre là haut, derrière les vitres colorées. Une ombre immense, le dos rond, comme si elle devait baisser la tête pour ne pas se cogner aux plafonds. Longtemps l’ombre avait fait des allées et venues sous la verrière, s’arrêtant parfois, ses longs bras grands ouverts. Sans doute, l’homme, car c’était un homme, la jeune femme en était certaine, n’arrivait-il pas à dormir lui aussi.
Une autre fois, il lui avait semblé voir apparaitre l’ombre à la fenêtre de sa chambre. L’ombre grattait le carreau. La jeune femme s’était réveillée en nage, le cœur affolé.
La seule chose dont elle est sûre est que quelqu’un habite ici. Chaque soir les lumières s’allument.
Alors ce soir elle s’est installée confortablement à son poste d’observation. Un fauteuil en rotin, une tasse de thé, et des petites jumelles de théâtre. Elle ne veut pas quitter Rome sans savoir qui vit là, en face de chez elle.
C’est le printemps, les glycines embaument tout le quartier, et la jeune femme lutte contre le sommeil….
(Rome, 10 avril)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire