Il fallait arriver avant la nuit
Il fallait arriver avant la nuit, à l’heure où le paysage rassemble.
Quand je suis venu chercher l’urne contenant les cendres de mon père, l’employé des pompes funèbres m’a demandé si je voulais me recueillir une dernière fois. Ben non, lui ai-je répondu, on a huit cent bornes à faire, on aura le temps de causer. l’homme ne savait pas sur quel pied danser.
j’ai glisser le certificat de crémation dans le sac contenant l’urne comme on glisse le ticket d’un nouvel achat et je suis sorti l’urne sous le bras comme on porte un bébé. Elle était sacrément lourde. La situation me serrait la gorge autant qu’elle m’amusait.
J’ai mis l’urne dans le coffre et je suis parti pour Hendaye avec papa. La veille j’avais longtemps hésité à proposer un covoiturage sur Blablacar. Mon père aimait rencontrer de nouvelles personnes et en même temps il craignait d’être dérangé. J’ai passé l’annonce, personne n’a répondu, c’est sans doute lui qui a décidé.
Le voyage fut doux. Mon père aimait les voitures, il avait confiance dans ma conduite. J’ai fait une halte à Poitier pour voir ma fille que son grand-père aimait beaucoup.
Je suis resté muet tout le long du trajet. On aura le temps de causer, avais-je dit. Hé bien non, il n’y avait rien à dire, les choses étaient là, comme elles l’ont toujours été, simplement là, souterraines.
On met tant de temps à le comprendre.
Me voilà sur la route de la Corniche. Il fait encore jour. Je m’arrête. Il faut que je dise à ma mère et mes sœurs que nous sommes bien arrivés. Nous nous réunirons plus tard pour la dispersion des cendres.
Rien n’est terminé, jamais.
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