vendredi 29 septembre 2017



L'arbre de Siméon


 (Feucherolles, Yvelines, 31 décembre 2015)


Chaque jour, après l’école, Siméon venait voir son arbre. Il lui tapotait le nez, observait le fond de ses yeux noirs, y dénichait parfois un oiseau ou un rongeur. Siméon ne voyait pas très clair. Il devait porter des lunettes très épaisses. À sa dernière visite chez l’ophtalmologiste, une femme qui sentait très bon, on lui avait examiné le fond de l’œil, il avait bien retenu l’expression.
Lui, il soignait son arbre. S’il trouvait un oiseau, ce n’était pas grave, l’oiseau s’envolerait. S’il trouvait un rongeur, il fallait opérer. Il plongeait sa main au fond de l’œil, saisissait délicatement l’animal, et le relâchait dans les feuilles mortes.
Simeon avait trouvé dans le dictionnaire plein de mots savants pour soigner les yeux, ainsi parlait-il à son arbre: nous allons procéder à un electroculogramme, extraire les corps flottants de la chambre postérieur, rééquilibrer l’humeur aqueuse au laser argon, et rectifier votre amétropie par une ablation personnalisée…
D’autre fois, il s’asseyait au pied de l’arbre et racontait les nouvelles maisons en construction, l’avancée des clôtures, les traces des bulldozers. Il disait qu’il veillait, que maintenant qu’il faisait partie de son jardin, le vieil arbre ne craignait rien.
Il avait un jour posé ses lunettes rondes sur le nez de bois et dansé autour de l’arbre. L’ arbre avait émis un craquement, et un passereau avait jailli de son œil grand ouvert.

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