L'été indien
(Port du Louvre, Paris 1ier)
Au pont du carrousel, c’est l’été indien.
À l’ombre des arches un trompettiste aux faux airs de Chet Baker fait ses gammes.
Sur la seine indolente une bouteille de gaz vide fait le bouchon. Au pied d’une porte elle en aurait effrayé plus d’un, là c’est une tache de couleur qui va au gré du courant.
Sur un banc, un homme à demi nu exhibe ses tatouages. Son corps offert au soleil est entièrement recouvert de tous les personnages du film de Tod Browning, Freaks. L’homme sifflote, Schlitzie rit sur son ventre, Frieda danse sur son biceps, Cleopatra sur sa poitrine me regarde droit dans les yeux.
Plus loin deux amoureux inscrivent au couteau leur passion pour l’éternité sur un tronc tant de fois scarifié. Il n’y a plus de place pour un cœur si ce n’est en hauteur, ors nos deux amants sont si petits que la jeune femme se tient debout sur les épaules de son homme pour graver l’écorce.
À quelques pas, un homme en chemise blanche ne fait rien, absolument rien, avec une infinie satisfaction.
Un chien pisse, un chat miaule, un canard flotte sans rien dire, le trompettiste joue maintenant les feuilles mortes, les amoureux courent sur le pavé, au bord de l’eau un iranien fume le narguilé.
Le monde semble en paix et la tête me tourne sous le pont du carrousel.
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