"Moi, j'aime bien les plumes."
(Ville-d’Avray, Hauts-de-Seine)
« La plume que j’ai là sur mon tricot, c’est une plume de pigeon, mais j’en ai d’autres là-haut : des plumes de faisans, des plumes de pigeons, et d’autres encore dans mon placard, j’en ai plein. J’aime bien ça les plumes.
Moi j’aime bien les plumes. Des fois j’en trouve. Tiens, pas plus tard que mercredi, on était sortis, on avait fait un tour, et puis : « oh, ben tiens, y a des plumes ! et des belles ! dans l’herbe, comme ça ! » Je les ai ramassées et je les ai rangées. Quand j’étais gosse, c’était ma sœur Micheline qui m’avait appris à aimer les plumes. Un jour, je balayais la cour, comme justement parce que j’allais pas à l’école et la maîtresse elle me punissait. Alors ma sœur Micheline elle me dit : « Bon ben tu resteras à la maison, et tu prends le balai et tu balaies la cour. » Et puis d’un seul coup, je vois quelque chose de noir tomber en faisant des tourbillons, comme ça . J’en avais peur, et je vais chercher Micheline.
-Qu’est-ce que t’as, qu’est-ce que t’as ? Qu’elle me dit.
-Micheline viens voir, c’est quelque chose de noir et c’est grand comme ça.
Alors elle est venue avec moi.
-Regarde par terre, que je lui dis.
-T’as peur des plumes ?
-J’ai dit : « oui »
Alors elle l’a ramassée et elle me l’a mise dans les mains. Je lui dis : J’ai peur.
-Mais non, prends la, qu’elle me dit, et puis maintenant tu vas la caresser. Je l’ai fait.
-Oh, c’est doux !
Et c’est comme ça que je me suis habituée.
C’était un oiseau qui était passé par là et qui avait perdu sa plume. C’est tout. C’était la première foi que je voyais une plume tomber.
Pour écrire autrefois, ils avaient des plumes d’oie. La maîtresse elle en donnait aux élèves mais pas à moi, peut-être elle avait peur que je joue avec.
Moi j’ai appris avec un crayon à papier. Et j’ai mis plus de temps que les autres, c’est vrai ça, parce que le cerveau il arrivait pas à se développer, mais il a arrivé quand même parce que j’ai été placée dans différentes maisons, oui, il a arrivé un peu. »
Extrait de « À plaisir pour toujours » de Loïc Pichon écrit il y a quelques années d’après les témoignages de résidents de l’hôpital des petits prés à Plaisir. Certains d’entre eux avaient passé leur vie entière dans cet « hospice ». Nous avions fait une lecture de ce texte en leur présence.
Ici, c’est Louise qui parle.
Cet après-midi près des étangs de Ville-d’Avray, j’ai ramassé une plume noire et un caillou blanc.
Soudain Louise est apparue, petite, trapue, la bouche légèrement de travers, assise sur un banc de bois moussu.
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