Dans la peau
(Montsinery, Guyane, 16 mars)
Il n’est que 20h, j’ai les yeux qui piquent, le dos qui bougonne, et la tête vide.
La saison des pluies tarde à venir, les eaux sont basses, et je peine à dérouler ma pensée.
Je retrouve la Guyane où je viens parfois y jouer des spectacles dans les écoles depuis une douzaine d’années. Je joue plusieurs fois par jour. Parfois le vent emporte le décor, d’autre fois c’est la pluie qui frappe la tôle du carbet, me rendant inaudible. Il fait chaud. Après le spectacle, le costume est trempé, la voix devient plus rauque.
Aujourd’hui, j’ai joué trois fois, devant vingt et une classes de maternelle et primaire. Il viendra bien un jour ou je n’en aurai plus la force. Mais tous ces visages réjouis me renversent, m’offrent de leur jeunesse.
Et puis il y a la forêt où je file dès que je ne joue pas, cette douce pieuvre qui m’a choppé un matin il y a douze ans. C’était près de Sinnamary, sur la piste Saint-Elie. On m’avait dit ne t’aventure pas seul en forêt. Mais j’étais comme un môme, il me fallait y goûter, seul.
Jamais je n’oublierai l’instant où j’ai quitté la piste pour m’enfoncer dans le sous bois sur un étroit layon. La moiteur soudaine, les sons inconnus, la peur, l’excitation, l’émoi d’une première fois.
Et puis il y a les baraques de tôle rouillée, les pistes défoncées, les épaves de voitures mangées par la végétation, ce parfum de bout du monde où les grands arbres se rient de nos échecs.
Et les fleuves, et les rivières qui portent nos désirs, loin au plus profond des bois.
Il est 20h30, le corps se détend après avoir parlé. Pas de balade en forêt aujourd’hui, mais dire combien je l’aime, combien j’aime ce pays. Je l’aime avec ses cloaques et ses sourires, avec ses histoires et ses mystères. Je l’ai dans la peau.
Le green-forêt...et le chant des arbres
RépondreSupprimerOh, j'imagine le décor dans le vent, les gamins et ta lutte contre les éléments, il y a temps pour tout et fin pour tout.
RépondreSupprimerEt la forêt, une récompense à gagner, un début à tout ! :)