La cloche
(Cacao, Guyane)
Arthur était très grand et ne connaissait que neuf mots, bonjour, poubelle, papillon, papa, cul,
pluie, froid, bois, bleu. On l’avait mis à la cloche. Il avait sa chaise. Au début et à la fin des cérémonies, il n’avait qu’à se lever et tendre le bras pour sonner. Le père lui donnait quelques sous. Sonner la cloche et regarder les papillons, ainsi vivait Arthur.
Arthur était très grand et atteint du syndrome de Gilles de la Tourette. Quand il sonnait, ses tics disparaissaient.
Enfant, il fut la risée de ses camarades. On lui piquait sa casquette, on lui mettait des grenouilles dans ses poches, du sable dans son sandwich. Puis on s’était lassé, on avait fini par le laisser regarder les papillons, puis plus tard sonner la cloche de l’église.
Seul Antonin ne s’était jamais lassé, il l’avait harcelé toute sa vie durant, à l’insu de tous.
Arthur et Antonin avait vieilli ainsi, l’un souffrant en silence, l’autre jouissant en silence.
Et puis un jour Antonin mourut. On l’enterra un mardi.
Personne ne comprit pourquoi Arthur sonna aussi longtemps ce jour là.
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