mardi 2 juillet 2019


Le pas de la tortue


(Vaucresson, 25 avril 2018)

 Voilà plus de quatre ans que je fais quelques photos, écris quelques mots, chaque jour publiés sur ce blog.
Ce n’est pas la pensée qui s’est aiguisée, mais le regard, l’attention aux détails, mille petites choses qui me réjouissent. Choses vues qui deviennent un instant le centre de ma raison d’être, qui apaisent le doute, me rapprochent des autres qui me semblent parfois si loin.
Depuis aussi longtemps que je me souvienne, il y a cette nécessité de parler comme si le premier cri avait été empêché. Au début il y eut les excès adolescents, alcool, drogues, déguisements, extravagances, autant de comportement libérant une parole décousue. Puis il y eu le théâtre, dont j’eus très tôt l’intuition que ce serait mon pays, un grand pays de liberté, où la mort n’existe pas, où la violence est joyeuse, la pensée claire, le corps vif, les relations intenses.
Et le théâtre délia la langue, éveilla l’appétit de connaissance.
Ce fut, et c’est encore, un beau voyage, avec ses tempêtes et ses accalmies, ponctué de rencontres essentielles. Combien de fois n’ai-je pas été émerveillé de retrouver d’anciens partenaires de jeu perdus de vue depuis longtemps avec la sensation que nous nous étions quittés il y a quelques  jours à peine.
Très jeune je lisais, lecteur solitaire avide d’autre chose que ce qui m’était proposé. Adolescent j’écrivais de ces poèmes où l’on crie à l’injustice avec ferveur et naïveté. Des poèmes d’amour aussi, j’ai toujours été fleur bleue. La fréquentation des auteurs  au théâtre me fit prendre conscience de la chair de l’écriture, de sa vibration.
Tandis que la voix s’affirmait, la main s’assouplissait.
Et voilà qu’à soixante quatre ans je suis étonné de dire sur scène ce que j’ai écrit. Certes il y a eu de nombreux spectacles nés d’improvisations où nous avions notre part d’auteur, mais dire ce qui a été écrit dans la solitude et le silence est tout autre chose.
Vendredi je serai sur scène avec Clément, précieux musicien, pour Le pas de la tortue, constitué de textes de ce blog. Le spectacle a déjà été joué mais jamais sur une aussi longue période ( Du 5 au 28 juillet). J’attends ce moment comme un rendez-vous amoureux, trac et excitation.
Je chevaucherai la tortue à l’ombre du pavillon de cuivre, laissant agir les heures chaudes, animé de cette folie qui est de faire confiance au gouffre.


1 commentaire:

  1. Je viendrai te voir dès que je serai un peu apaisé par mes affaires. Mes pensées t'accompagnent ainsi que ma vieille amitié. Toy toy toy...

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