samedi 20 juin 2020


La piscine de Saint-Girons


(Saint-Girons, Ariège, 19 juin, 13h 20)

Un navire échoué dans une prairie,
des souvenirs à fond de cale recouverts de graffitis,
le cri de la buse, là-haut, minuscule trait d’encre noire, net,
l’oiseau a survolé le temps.
Vacances d’été, années 60, nationale 20, nous partions vers 4h du matin de Saint-Cloud.
Il y avait cette sensation d’un réveil difficile, d’une nuit trop courte, mêlée à l’excitation du départ, et plus que tout le goût singulier de l’aube, saveur nouvelle pour l’enfant qui se levait le plus tard possible pour aller à l’école.
Nous partions pour Bareille, petit village d’Ariège où ma grand-mère avait un « château », maison magique au bout d’une route sur les contreforts des Pyrénées.
800 km, dans une 404 bordeaux. Maman conduisait. Mon père n’était pas du voyage, il travaillait.
Souvent je me tenais debout à l’avant les mains sur le tableau de bord. Mes sœurs étaient derrière.
Nous allions passer tout le mois de juillet dans cette magnifique campagne qui m’a tant donné.
Une grande part de ce que je suis s’est façonnée ici, sur les pentes herbeuses, dans les chemins creux et les sous bois, sur le tracteur de Joseph, dans l’étable à l’heure de la traite.
Le cri d’une buse haut dans le ciel, ou le parfum de la bouse de vache sont d’incontournables madeleines.
Il y a aussi le goût de la limonade que nous buvions glacée en rentrant de la piscine.
Ah, la piscine de Saint-Girons! Nous y allions tous les matins. Il n’y avait jamais grand monde. Nous pouvions sauter et plonger à loisir. Je passais des heures à plonger du plus haut, saut de l’ange, saut carpé. Le gamin raillé pour ses rondeurs s’affirmait dans les airs et dans l’eau.
Il achèverait sa métamorphose en surfant tout le mois d’août les vagues de l’atlantique.
Aujourd’hui c’est le premier jour d’été. Nous sommes partis depuis une semaine, faire le tour des amis et parents déconfinés, une boucle sur les routes de France jusqu’à Hendaye ou je vais enfin pouvoir surfer un peu. Saint-Girons est sur la route bien sûr, du sud-est vers le sud-ouest, nationale 117.
Nous y sommes passé hier. Impossible de ne pas m’arrêter devant la piscine abandonnée à la sortie de la ville.
Elle est belle aussi comme ça cette vieille piscine. D’autres gamins s’y sont exprimés et affirmés, d’une autre façon.

2 commentaires:

  1. My first thought was that it was a ship... An abandoned swimming pool is the last thing I would expect to find. Lots of memories in your words--- not just yours.

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  2. AH, non, mais.... comment ai-je pu la laisser passer celle-ci. Tant de kilomètres parcourus dans les années 70 dans ses eaux bleus. Voici quelques années que je n'ai plus remis les pieds là-bas, il faudrait que j'aille faire un coucou à Tatyvette à Lorp cet été, histoire de défricher le lieu... Merci Pierre !

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