La minoterie
(Aurice, Landes, 21 juin, 17h 05)
La minoterie ne marche plus.
Les machines ont été démontées.
Un grand hangar vide, quelques tuyaux courent encore d’un étage à l’autre, ici et là de vieux tamis, des sacs de jute, les traces d’un hibou dans la poussière.
La nuit le pas de l’oiseau raisonne comme un pas d’homme.
Dans le regard du hibou, les yeux du vieux meunier.
Un meunier qui rêvait que jamais ne cesse le son des cylindres.
Personne n’a repris.
Le vieux est mort, la fille du meunier est revenue habiter ici.
C’est son moulin, c’est son bief, c’est son bois, c’est son enfance.
Les machines se sont tues, mais la famille est toujours là, au dessus du vieux moulin.
Et puis, il y a le voisin qui gare son camion devant le bâtiment de tôle désaffecté.
Le voisin qui est toujours sur la route.
La femme du voisin qui n’en plus des absences répétées.
Le fils du voisin qui voudrait plus que tout devenir camionneur comme papa, qui voudrait conduire le camion rouge et s’en aller comme un roi solitaire arpenter la terre entière.
Le voisin qui ne voudrait pas que son fils se crèvent les yeux et le dos à manger du bitume.
La femme du voisin qui voudrait ne plus voir ce foutu camion, qui voudrait garder son homme avec elle, rien que pour elle, son homme et son garçon, sans ce foutu camion.
La minoterie ne marche plus.
C’est le domaine du chat, du hibou, des souris, des hirondelles qui reviennent chaque printemps nicher sous les poutres.
La chatte a fait des petits. Elle veille sur eux. Puis ils partiront mener leur vie de chat, tout simplement.
Les hirondelles s’en iront à la fin de l’été quand les hirondeaux seront grand. Elles reviendront au printemps prochain.
La fille du meunier sera toujours là, le voisin peut-être pas
A really fine story, mon ami.
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